Notre groupe de travail a estimé que la proposition de directive sur la gestion collective des droits d'auteur présentait des risques de non-conformité au principe de subsidiarité.
Ce texte poursuit un double objectif. Fixer des règles de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion collective des droits d'auteur et des droits voisins. Et créer un cadre juridique favorable au développement, dans le domaine de la musique, de la délivrance de licences multi-territoriales et multi-répertoires par les sociétés de gestion collective. Un axe stratégique de développement de l'offre numérique a été fixé à l'horizon 2020, tandis que le marché musical en ligne est déjà très développé. Une réflexion est donc légitime pour organiser la distribution de biens et services que la Commission hélas semble se refuser à nommer « oeuvres ».
Cette proposition de directive suscite deux interrogations. D'abord, une harmonisation poussée des règles applicables aux sociétés de gestion collective des droits d'auteur ne paraît pas fondée. La proposition entend moderniser les sociétés de gestion collective comme la Sacem, la SACD ou la Scam, en renforçant leur transparence et leur efficacité. Il s'agirait en particulier de préciser les droits des sociétaires, d'exiger la communication d'informations spécifiques aux associés, d'accentuer le contrôle interne ou encore d'assurer un contrôle des organes dirigeants.
Affirmant un principe de non discrimination entre associés, la proposition indique également que les négociations doivent être conduites de bonne foi et que les tarifs des sociétés doivent refléter la valeur économique des droits négociés.
L'objectif de transparence et d'efficacité ne suscite aucune objection de principe, bien au contraire ! On voit mal en revanche ce qui justifie une harmonisation aussi poussée des règles de gestion. La Commission argue que les titulaires de droits étrangers seraient moins bien protégés que les nationaux, et estime « peu probable qu'à l'avenir, les États membres garantissent la transparence nécessaire pour que les titulaires exercent leurs droits à travers les frontières ». C'est plus une pétition de principe qu'un argument.
D'autant que les systèmes nationaux, en ce domaine, sont anciens et bien établis. Tel est le cas chez nous. Nos sociétés de gestion des droits d'auteur sont des sociétés civiles, soumises, à ce titre, aux règles du code civil ; elles sont régies par le code de commerce concernant les sociétés à capital variable et par les règles spécifiques du code de la propriété intellectuelle. Elles sont soumises au contrôle d'une commission permanente présidée par un conseiller maître de la Cour des comptes. Pour l'information des associés, des règles ont été prévues par la loi du 3 juillet 1985.
Le caractère très détaillé de la proposition ne manquera donc pas de poser des problèmes de transposition. Le texte européen prévoit l'institution d'une « fonction de surveillance ». Comment l'insérer dans un modèle structuré autour d'un directeur général gérant et d'un conseil d'administration, où sont représentés les auteurs ? Il n'y a pas de « fonction de surveillance » au sens de la directive ! De même, l'obligation de séparer les recettes d'exploitation des droits et les recettes propres de la société ainsi que les revenus tirés des services aura des effets importants sur la gestion des sociétés d'auteur et leur équilibre économique - mais pour quel bénéfice pour les ayants droit ? Enfin, l'extension à l'ensemble des secteurs culturels et créatifs du fractionnement des droits, pratiqué dans le secteur musical, prend mal en compte les spécificités de la gestion des droits cinématographiques et audiovisuels.
En deuxième lieu, la création d'une autorité spécifique pour l'application des normes européennes relatives à l'attribution de licences multi-territoriales ne semble pas nécessaire.
La Commission européenne entend faciliter l'octroi de licences multi-territoriales pour l'utilisation d'oeuvres musicales. Elle prévoit des règles afin que les sociétés de gestion collective des droits musicaux, lorsqu'elles délivrent de telles licences, se conforment à des normes européennes. Les États membres devront s'assurer que les sociétés ont la capacité technique, notamment informatique, de cette mission et qu'elles fournissent un certain nombre d'informations, en particulier sur l'identification de leur répertoire. Les sociétés autorisées devront conclure un accord de représentation avec les sociétés ne concédant pas de licences multi-territoriales. La proposition, également, encadre les relations entre les sociétés délivrant des licences multi-territoriales et les services de musique en ligne, les titulaires de droit et les autres sociétés de perception des droits.
Enfin, certains litiges pourront être soumis à un organe de règlement des différends indépendant et impartial. Les États membres désigneront les autorités compétentes pour traiter les plaintes et prononcer des sanctions en cas de non respect de la directive.
La mise en place de normes européennes pour l'attribution de licences multi-territoriales ne pose pas de problème de subsidiarité. Elle se justifie, si l'on admet le principe de telles licences, pour prendre en compte la diffusion sur le territoire de plusieurs États membres.
Mais pourquoi cette obligation de désigner dans chaque pays une autorité pour veiller spécifiquement à l'application de ces normes ? Il serait plus conforme au principe de subsidiarité d'autoriser une diversité de modèles nationaux. En France, c'est le juge qui exerce ce contrôle.
D'où la proposition de résolution que je vous propose d'adopter.