Intervention de Jean-François Humbert

Commission des affaires européennes — Réunion du 4 octobre 2012 : 1ère réunion
Transports — Contrôle technique automobile - communication de m. jean-françois humbert et proposition de résolution portant avis motivé

Photo de Jean-François HumbertJean-François Humbert :

La proposition de règlement relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques, transmise par la Commission en juillet, vise à contribuer à la réduction de moitié du nombre de victimes de la route d'ici à 2020, fixé en 20 juillet 2010 par les autorités européennes. Elle tend également à réduire les émissions associées au mauvais entretien des véhicules.

La proposition de règlement étend en conséquence le contrôle technique obligatoire aux véhicules à deux et trois roues et aux remorques légères, et prévoit une augmentation de la fréquence des contrôles techniques pour tous les véhicules.

Aux yeux de la Commission, il existe une nette corrélation entre le nombre des défaillances techniques et le niveau de sécurité routière. Au terme d'une évaluation purement statistique - en considérant que les défaillances techniques contribuent aux décès proportionnellement à leur implication dans les accidents - elle estime à 2 000 le nombre de décès, sur un total de 35 000 en Europe en 2009, qui ont pour origine un défaut technique. Un sur deux aurait pu, selon elle, être évité par le contrôle technique.

Le texte vise particulièrement les deux et trois roues. Avec 5 100 motocyclistes tués sur les routes en 2008, cette catégorie serait surexposée, alors qu'elle ne représente que 2 % des usagers de la route. En moyenne 8 % des accidents seraient liés à une défaillance technique. La Commission propose donc d'étendre les contrôles techniques à ces véhicules. Seize États membres ont déjà mis en place un contrôle sur les deux roues, les scooters en étant parfois exempts.

Démonstration mathématique implacable ? Je me suis tout de même interrogé sur la pertinence de ces chiffres, en m'appuyant sur le rapport Maids, une étude approfondie sur les accidents des motocycles, publiée sous l'égide de l'Association des constructeurs européens de motocycles (Acem) avec le soutien de la Commission européenne. Sur 921 accidents étudiés dans cinq régions tests, moins de 0,5 % sont directement liés à une défaillance technique. Deux des cinq pays étudiés, la France et les Pays-Bas, n'ont pas de contrôle technique motocycliste. Est-il vraiment nécessaire de l'imposer ? L'Acem ne peut être suspectée de vouloir minorer l'impact des défaillances techniques, puisqu'elle est par ailleurs favorable à l'introduction des contrôles techniques, naturellement souhaitée par les concessionnaires. La principale cause de défaillance technique tient à l'usure des pneus.

De façon générale, aucun lien ne peut-être établi entre la réduction du nombre d'accidents et l'introduction du contrôle technique sur les motocycles. L'Espagne, l'Italie, la Suède ou la Slovénie, qui en ont fait l'expérience, ont même connu une augmentation du nombre de motards tués ces dernières années, avec en Italie, une situation encore plus troublante puisque le nombre de motocycles en circulation a diminué.

Une étude menée par deux chercheurs norvégiens en 2007 renverse la problématique. Selon Peter Christensen et Rune Elvik, les défaillances techniques jouent un rôle mineur dans les accidents. En outre, le taux d'accident des véhicules contrôlés a plutôt tendance à augmenter. Le lien entre défaillances techniques et accidents est donc remis en cause. Les accidents attribués à un défaut technique reflètent davantage une tendance des usagers à risquer leurs vies : MM. Christensen et Elvik soulignent que « ceux qui ne font pas attention à la sécurité ne font pas plus attention à l'entretien de leur véhicule ». La mise en place du contrôle technique n'y changera rien. En conséquence de quoi l'Observatoire national de la sécurité routière française (Onsir) estime inopportun d'étendre le contrôle technique aux motocycles.

Autre réserve : la Commission fonde son intervention sur trois rapports fournis par Dekra, l'un des leaders européens du contrôle technique. Il préconisait en 2010 une extension du contrôle technique aux deux et trois roues, un marché évalué à 1,5 milliard d'euros.

Enfin, la circulation transfrontalière de ces véhicules est trop limitée pour justifier une harmonisation européenne.

Pour la Commission, une part importante du total des émissions dues au transport routier provient d'une minorité de véhicules, mal entretenus ou fonctionnant mal : 25 % de la quantité totale des polluants seraient émis par 5 % du parc automobile. L'augmentation de la fréquence des contrôles techniques conduirait à une élimination plus rapide de ces véhicules et diminuerait le nombre d'accidents mortels.

Les contrôles techniques ont généralement lieu quatre ans après la première immatriculation, puis tous les deux ans, bien que seize États membres aient mis en place des dispositifs plus contraignants. La Commission préconise un contrôle annuel après les deux premiers contrôles, effectués quatre et six ans après la première immatriculation - mais dès la cinquième année pour les voitures et les véhicules utilitaires légers ayant parcouru plus de 160 000 kilomètres à la date du premier contrôle technique. En outre, ces contrôles devraient être plus poussés, incluant les systèmes électroniques modernes.

Le parc automobile n'est pas uniforme en Europe. Il reflète la situation économique et sociale de chaque pays : les véhicules anciens correspondent souvent à des revenus modestes. Dans la conjoncture économique difficile, l'intensification des contrôles ne risque-t-elle pas de fragiliser encore un peu plus ceux qui n'ont pas les moyens de changer de voiture au moins tous les six ans ?

Les centres de contrôle technique tels Dekra escomptent une hausse d'activité de 60 %. Pour les usagers, il en résultera des contraintes supplémentaires - l'immobilisation du véhicule - et un coût d'environ 60 à 80 euros en France.

Grâce à l'évolution technologique, les voitures vieillissent de mieux en mieux, ce qui ne plaide pas en faveur d'une intensification des contrôles. En France, le contrôle technique bisannuel ne recale plus que 20 % des véhicules. Dans 85 % des cas, il s'agit de défauts mineurs dus à l'absence d'entretien du véhicule, sans rapport avec la sécurité. En outre, le rapport Lebrun sur le contrôle technique des motos concluait en 2007 à la difficulté « d'établir une corrélation entre l'état des voitures et la survenance des accidents », en raison d'un trop faible nombre d'accidents liés à des défaillances techniques. Dans ces conditions, il paraît opportun de laisser à chaque État membre apprécier...

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