Mais la main tendue était celle de M. Verhofstadt.
Le M5S, qui préside aux destinées de Rome, n'y a pas fait preuve d'un grand professionnalisme, même s'il continue à garder une place importante au sein de la population en tant que mouvement antisystème. L'échec du référendum est sans doute à corréler à l'absence de relance économique, alors même que le gouvernement Renzi a entrepris de profondes réformes en ce sens depuis 2014. Le taux de chômage demeure à un niveau relativement haut : 11,7 %. Le taux de chômage des jeunes est particulièrement élevé, à 37,1 %, soit le double de la moyenne européenne, ce qui place le pays en troisième position derrière la Grèce et l'Espagne. Ce n'est pas rien ! Heureusement, le modèle social italien joue un rôle important d'amortisseur social, avec une solidarité familiale envers les jeunes.
Les autorités italiennes ont, par ailleurs, révisé à la baisse en octobre dernier les prévisions de croissance pour 2016 et 2017. L'Italie pâtit notamment d'une augmentation du coût du travail et d'une stagnation de la productivité depuis son intégration au sein de la zone euro. Le Fonds monétaire international estime aujourd'hui que l'Italie ne devrait pas recouvrer le niveau de richesse qu'elle atteignait en 2007 avant le milieu des années 2020. La croissance potentielle semble de fait réservée à une partie des régions italiennes et limitée à quelques secteurs. Les deux provinces de Brescia et de Bergame sont ainsi considérées comme les plus industrialisées d'Europe. Cependant, 80 % de la richesse reste concentrée au nord du pays, où sont installés la plupart des « districts industriels » les plus dynamiques et les plus innovants comme les produits pharmaceutiques ou les dispositifs médicaux. L'Italie a inventé, au travers de ces districts industriels, ce que l'on nomme aujourd'hui les clusters. Il y a vingt ans, j'avais rédigé un de mes premiers rapports sénatoriaux sur ce sujet et avais proposé que l'on s'inspire en France de cette approche.
Cette atonie de la croissance, conjuguée à une dette colossale - 132,7 % du PIB -, explique pour partie la remontée des taux obligataires à dix ans depuis le mois d'août dernier, passant de 1 % à l'époque à 2,1 % actuellement. Au-delà de la dette publique, des interrogations subsistent sur le secteur bancaire. Celui-ci est grevé par des créances douteuses estimées à 356 milliards d'euros, dont 198,9 milliards d'euros seraient irrécouvrables, soit une hausse de 50 % depuis 2012. La Banca Monte dei Paschi di Siena (BMPS), plus vieille banque du monde et troisième établissement financier du pays, symbolise à elle seule la fragilité du secteur. Un nouveau plan de recapitalisation de 8,8 milliards d'euros a été annoncé à la fin de l'année 2016 ; 6,5 milliards seraient versés par l'État. Mais il doit être rapidement appliqué pour éviter d'emporter le système bancaire italien, voire celui de ses voisins.
Passé ce rapide aperçu de la situation nationale, venons-en à la position européenne de l'Italie. La campagne référendaire a coïncidé avec un raidissement de la position du gouvernement italien dans un certain nombre de dossiers européens. Cette attitude ne saurait traduire un quelconque euroscepticisme mais dénote plutôt une volonté de participer activement à la relance du projet européen à la veille du soixantième anniversaire du traité de Rome.
La situation budgétaire de l'Italie constitue cependant un sujet de crispation avec la Commission européenne. Les autorités italiennes souhaitent que soit mieux pris en compte l'impact de la crise migratoire dans l'appréciation du déficit public. Selon le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR), 180 746 personnes avaient atteint les côtes italiennes en 2016, un niveau sans précédent. Le chiffre s'élevait à 154 000 en 2015. L'itinéraire vers l'Italie est aujourd'hui le plus emprunté, compte tenu notamment de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie. Entre 55 % et 60 % des opérations de sauvetage sont réalisées directement par la marine italienne. Plus de 180 000 demandeurs d'asile sont désormais hébergés au sein de centres d'accueil italiens, les demandes ayant atteint un niveau record cette année. L'Italie n'est plus un pays de transit. Et le plan de relocalisation européen peine à donner des résultats. Seuls 2 000 réfugiés ont été transférés hors du pays. Les Italiens sont assez exemplaires et montrent leur grand coeur, en agissant au-delà des obligations réglementaires européennes.
À ce défi s'ajoute celui de la reconstruction suite aux tremblements de terre d'août et octobre 2016 dans le centre du pays. Le coût des rénovations est estimé à 2,8 milliards d'euros. Je vous propose d'ailleurs que nous adressions un avis politique à la Commission européenne pour qu'elle prenne à sa charge le financement de la basilique de Saint-Benoît, saint patron de l'Europe, à Nurcie. Seule sa façade est aujourd'hui debout. Ce serait un geste symbolique fort, sur lequel, j'imagine, nous sommes tous d'accord.
Les négociations sur la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel ou les instruments de défense commerciale ont souligné la volonté italienne de voir l'Union adopter une stratégie ambitieuse, au risque que sa position maximaliste ne ralentisse le processus décisionnel. L'Italie voudrait que l'Union s'investisse massivement dans le soutien à la jeunesse et à l'éducation, la promotion d'une défense européenne et la réforme de l'Union économique et monétaire.
Le Sénat italien souhaite être au service de cette ambition. Notre réunion de travail à Rome le 13 décembre dernier avec nos homologues de la commission sur les politiques de l'Union européenne doit constituer, à ce titre, le prélude à une coopération plus approfondie entre les deux assemblées. Trois thèmes de travail ont été définis : le marché unique du numérique, en complément de la demande de nos collègues du Bundesrat ; la concurrence, notamment en matière agricole, un sujet qui évolue un peu selon les recommandations de la task force qui nous ont été proposées le 14 novembre dernier ; et les ressources propres de l'Union européenne - nous devrions bientôt auditionner à ce sujet Mario Monti.