J'interviendrai sur le bilan et M. Émorine sur les perspectives.
Il faut savoir que le niveau de l'investissement en Europe reste aujourd'hui inférieur à ce qu'il était avant la crise. Le plan Juncker vise donc à relancer l'investissement afin de favoriser la croissance et l'emploi. C'est un outil de plus, une pièce du puzzle, mais ce n'est pas lui qui réglera toutes les difficultés que nous connaissons aujourd'hui en Europe.
Cela étant dit, de l'avis général, ce plan fonctionne. Sa première vertu est de donner confiance. Le fait de garantir des projets plus risqués via la BEI et le FEIS génère de la confiance et provoque, on le constate, un effet boule de neige.
Quant au chiffre de 100 000 emplois qui nous a été donné, nous n'avons aujourd'hui aucun élément tangible pour nous assurer de son authenticité. Néanmoins, le plan a un effet réel sur l'emploi. Des études vont être menées par Ernst & Young, dont nous disposerons des résultats à la fin du mois. Nous verrons alors si ce chiffre repose sur des éléments tangibles et macroéconomiques. Cela soulève d'ailleurs une question que nous n'avons pas abordée dans notre rapport : peut-être faudrait-il conditionner l'intervention du Fonds à l'obligation pour les entreprises de communiquer le nombre d'emplois créés grâce à l'aide et à l'appui qu'elles ont reçu ?
J'en viens aux obstacles réglementaires, sur lesquels vous avez été plusieurs à nous interroger. Ces obstacles mettent en évidence les besoins de simplification et d'harmonisation, ainsi que la nécessité, selon M. Juncker, d'approfondir le marché unique. On voit bien comment les directives sont transposées d'un pays à l'autre : les écarts sont parfois importants, les normes divergent. Il faut une plus grande convergence européenne.
En ce qui concerne maintenant l'accès des PME au plan, je note que l'une des vertus supplémentaires du plan Juncker, c'est d'avoir mis en valeur les dispositifs efficaces. Si la France a pu bénéficier très rapidement du plan Juncker, c'est parce qu'elle avait un dispositif opérationnel grâce à sa banque de développement, à l'articulation entre celle-ci et les régions, et à la connaissance qu'en ont les acteurs économiques. On constate aujourd'hui que ce sont les pays qui avaient des banques de développement qui ont bénéficié le plus rapidement du plan Juncker. Les pays qui n'en avaient pas considèrent désormais qu'il leur serait utile d'en mettre une en place. Par ailleurs, la BEI a décidé d'ouvrir des bureaux dans tous les pays de l'Union, ce qui n'était pas le cas précédemment. Ceci complète la mise en oeuvre de la plateforme stratégique d'information décidée par la BEI. Ces évolutions sont extrêmement intéressantes et auront certainement des conséquences positives à l'avenir.
Vous nous avez interrogés sur les secteurs d'intervention. Il faut être vigilant sur ce sujet. Si les infrastructures sont utiles, la Commission a décidé qu'il fallait veiller à ce que les fonds ne soient pas exclusivement destinés aux infrastructures routières, d'autres types d'infrastructures méritant d'être développés, notamment dans le secteur portuaire. Par ailleurs, plusieurs responsables européens l'ont souligné, il ne faut pas oublier un certain nombre de secteurs qui avaient été ciblés à l'origine, mais dans lesquels il a été peu investi, comme l'éducation, l'ingénierie sociale et l'innovation sociale.
J'en viens aux questions sur les collectivités territoriales. Si les régions se saisissent aujourd'hui plus ou moins du plan - cela a été le cas des Hauts-de-France et de l'Alsace -, si d'autres s'y intéressent sans pour autant avoir déposé de dossiers, il n'en demeure pas moins qu'il reste des champs, y compris en France, dans lesquels on pourrait développer des projets. Je pense à l'association des départements au plan sur la Silver économie et l'ingénierie sociale.
Les métropoles et les grandes agglomérations, qui ont désormais la faculté d'investir, puisqu'elles ont la compétence économique partagée avec les régions, sont encore assez éloignées du dispositif, pour lequel elles ne manifestent pas un grand intérêt.
Il est important de veiller à une meilleure articulation entre le plan Juncker, donc le FEIS, avec les fonds structurels et le programme Horizon 2020.
Une question a été posée sur les participations et les contributions financières des pays bénéficiaires du plan.
Le futur plan connaîtra des modifications, notamment une augmentation de la participation du budget européen, proportionnellement moins importante que dans la première version du plan puisque le taux de couverture du risque passerait de 50 % à 35 %. Du coup, il y aurait un effet levier supplémentaire mobilisant proportionnellement moins de moyens que précédemment.
Neuf pays ont participé au plan. Le premier, c'est le Royaume-Uni, ce qui pose effectivement la question du Brexit, laquelle ne sera réglée que progressivement. Si la Grande-Bretagne sort de la BEI, cela aura évidemment des conséquences. Cela étant dit, tant qu'elle fait partie de l'Union européenne et de la BEI, elle peut bénéficier du Fonds.
Les autres contributeurs sont l'Allemagne, la France, l'Italie, la Pologne, à hauteur de 8 milliards d'euros chacune, l'Espagne à hauteur de 1,5 milliard d'euros, la Slovaquie à hauteur de 400 millions d'euros, la Bulgarie à hauteur de 100 millions d'euros, et le Luxembourg, à hauteur de 80 millions d'euros.
Pour ce qui concerne les contributions extérieures à l'Union européenne, il a été décidé de ne pas répondre aux suggestions de la Chine, qui ne participera donc pas au financement de la BEI et du Fonds.