Certains parlements nationaux sont décidés à émettre un vote sur ce qui sera transmis à Bruxelles au début du semestre, d'autres non. Il faudra que les différents États s'accordent pour avoir les mêmes procédures et, surtout, pour caler leurs calendriers respectifs et pouvoir ainsi dialoguer. Sinon la réunion que nous avons eue la semaine dernière n'aura été qu'une initiative isolée. Travailler ensemble et en continu est une condition si l'on veut déboucher de manière concrète.
J'en viens au second point, monsieur le ministre : la démocratie et les droits de l'homme au sud de la Méditerranée.
J'ai remis au Premier ministre le rapport qu'il m'avait demandé sur le Conseil de l'Europe, qui vient à point nommé. Lors d'une réunion, qui s'est également déroulée la semaine dernière, de la commission des questions politiques de l'Assemblée du Conseil de l'Europe à Paris, à laquelle était convié le collectif des dirigeants tunisiens actuels, nous avons pu mesurer le rejet a priori de tous les pays du nord de la Méditerranée par nos interlocuteurs du sud, et notamment de la France, il ne faut pas se le cacher, ce qui doit nous inciter à une grande humilité. Ce rejet se manifeste sur le thème bien connu : « Vous ne nous avez pas beaucoup aidés quand nous avions besoin de vous. Votre passé ne plaide pas toujours en votre faveur. »
Il faut à mon sens passer outre. Ces pays font face à de grands défis et ils ont besoin de nous : à nous de leur apporter notre appui, mais sans l'imposer, pour leur permettre d'avancer en leur rappelant que nous sommes à leurs côtés.
Il ne faut pas en rester à l'idée que c'est par habitude ou intérêt que nous les soutenons mais en revenir aux raisons de fond : c'est parce que nous sommes, les uns et les autres, attachés à la démocratie et aux droits de l'homme que nous agissons en ce sens.
Dès lors, je ne vois que des avantages à passer par le Conseil de l'Europe. Tout d'abord, cela permet de « mouiller » la Russie et la Turquie dans l'affaire, ce qui n'est pas inutile par les temps qui courent. Ensuite, cela nous donne la possibilité d'exprimer nos attentes et nos propositions au travers d'un organisme qui, n'étant pas suspect de jouer pour tel ou tel intérêt particulier, a su apporter des instruments concrets et pratiques : je pense à la formule du « partenaire pour la démocratie » ou à la convention de Venise dans le cadre de l'élaboration des Constitutions.
Le moment me semble vraiment venu de s'appuyer sur le Conseil de l'Europe plutôt que de partir tout seuls comme des grands en tête de peloton, au risque de nous retrouver en porte-à-faux, isolés, voire pris à revers et renvoyés « dans nos vingt-deux mètres », sinon plus loin.