Intervention de François Marc

Commission des affaires européennes — Réunion du 22 mars 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Laurent Wauquiez ministre chargé des affaires européennes dans le cadre du débat préalable au conseil européen en commun avec la commission de l'économie du développement durable et de l'aménagement du territoire et est ouverte à tous les sénateurs

Photo de François MarcFrançois Marc :

Monsieur le ministre, « la page de la crise est tournée » : voilà ce que l'on pouvait lire en titre de certains journaux économiques il y a quelques jours. Par cette formule, ces journaux évoquaient les résultats du CAC 40, la relance des hedge funds, ainsi que toute cette inventivité spéculative que l'on voit de nouveau renaître.

Chacun, ici, en a conscience : tout cela n'est qu'une façade, et la crise, aujourd'hui, se situe bien aux niveaux des monnaies, notamment de l'euro, et de la dette. Dès lors, les mesures annoncées peuvent présenter à nos yeux un certain nombre d'avantages.

Pour ma part, dans le contexte de crise actuel, je peux me réjouir des avancées effectivement obtenues et que vous-même avez soulignées. L'amélioration des conditions de prêt aux pays périphériques, le renforcement de la capacité d'intervention du Fonds européen de stabilité financière et la création du mécanisme européen de stabilité sont autant de progrès dans le fonctionnement de l'Union.

Néanmoins, des questions techniques non négligeables, relatives notamment à la dimension opérationnelle, restent posées. M. le rapporteur général en a évoqué quelques-unes. Nous nous interrogeons nous aussi sur la façon d'obtenir l'unanimité des dix-sept pays de la zone euro pour mettre en oeuvre ces décisions.

Le contenu du pacte pour l'euro, tel qu'il a été validé lors du sommet de l'eurozone, pose à nos yeux un certain nombre de questions. Instaurer plus de discipline budgétaire est certes nécessaire, mais pas dans une proportion qui étouffe la croissance. L'excès de mesures d'austérités prévues dans ce pacte, au détriment de mesures de dynamisation économique et de protection sociale, est un réel problème.

En définitive, monsieur le ministre, nous pouvons reprocher à l'Europe de « batailler en défense ». Vous avez évoqué une dimension offensive. Nous avons, nous, le sentiment que, dans cette affaire, elle joue plutôt la défense et n'encourage pas assez la confiance dans l'avenir.

Nous aurions préféré que soit mise en avant une forme de pacte européen pour l'emploi et le progrès social. Il aurait ainsi été possible, en saisissant l'occasion de la nécessaire réponse à la crise, de mettre en oeuvre des réformes structurantes utiles et intelligentes pour l'avenir, visant à atteindre une croissance plus forte, une croissance plus juste, une croissance plus verte et mieux financée.

Le fait que l'Europe ne dispose pas, à ce jour, d'un budget digne de ce nom et ne se dote pas de ressources suffisantes constitue un sujet de préoccupation.

Je me félicite, à cet égard, que l'on ait fini par évoquer la création d'une taxe sur les transactions financières, une proposition formulée à l'origine dans nos rangs, mais je tiens à souligner que cette initiative reste timide. Il n'est en effet envisagé, pour l'instant, que d'entamer une réflexion, et non de mettre en oeuvre cette mesure. Cette réflexion peut durer des années, voire des décennies, alors même que nous savons combien cette taxe serait profitable. Par ailleurs, les autres modalités financières ne sont pas véritablement envisagées. Ainsi, les euro-obligations sont laissées quelque peu dans l'ombre.

Nous avons le sentiment que ce « pacte pour l'euro » donne lieu à une sorte de troc : en contrepartie de la solidarité dont on a fait preuve à l'égard des pays les plus fragiles, on a généralisé les mesures d'austérité en vue de faire face aux exigences de la défense de l'euro.

J'évoquerai, enfin, un sujet majeur de préoccupation : la régulation financière, qui est à nos yeux trop douce. Il n'est pas certain que l'on ait pris la mesure des besoins de régulation qu'exige le système financier si l'on veut éviter les « rechutes ». Certes, une nouvelle architecture de la régulation financière de l'Union est en train de se dessiner, mais, en dépit de la création d'un Conseil européen du risque systémique, le CERS, les régulateurs nationaux garderont, en pratique, la haute main sur la supervision des principaux métiers de la finance, tels que la banque, l'assurance et les métiers titres.

Il semble que les moyens coercitifs dont dispose le CERS à l'égard des régulateurs nationaux soient limités. Cela illustre, une fois de plus, la faiblesse des capacités d'action dont se dote l'Europe pour homogénéiser la régulation financière. Dans ces conditions, comme par le passé, chaque régulateur national conduira sa propre politique et adoptera ses propres dispositions.

Ma question est simple : comment la France envisage-t-elle de peser pour favoriser une harmonisation accrue en matière de régulation financière ? Les avancées en la matière semblent relativement peu nombreuses. Quelles mesures prendrez-vous pour renforcer l'intégration dans ce domaine ?

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