Intervention de Richard Yung

Commission des affaires européennes — Réunion du 22 mars 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Laurent Wauquiez ministre chargé des affaires européennes dans le cadre du débat préalable au conseil européen en commun avec la commission de l'économie du développement durable et de l'aménagement du territoire et est ouverte à tous les sénateurs

Photo de Richard YungRichard Yung :

J'ai bien noté que la France avait obtenu deux grandes victoires : une avancée concernant le gouvernement économique européen, et la décision d'intervention en Libye. Vous me permettrez cependant de faire une lecture quelque peu différente de la situation présente, compte tenu de l'attitude de l'Allemagne, selon moi préoccupante.

Nous voyons actuellement se dessiner une nouvelle politique allemande. Nous avons en effet assisté aux changements de cap de Mme Merkel, qui, après avoir été hostile à l'aide aux pays du Sud et à toute forme de gouvernement économique européen, s'y est maintenant convertie.

Vous avouerez que son attitude concernant la Libye est difficilement compréhensible. Pour un pays qui souhaite occuper un siège permanent au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies, c'est tout de même surprenant !

Je ne pense pas que les seules élections dans le Bade-Wurtemberg permettent d'expliquer la position de Mme Merkel. Il est évident qu'elle rencontre des difficultés avec ses alliés politiques. Je pense toutefois que se fait jour, de façon plus profonde, une nouvelle politique allemande, différente de celle qui a prévalu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et qui tend à affirmer et à défendre les seuls intérêts de l'Allemagne. Or nous courons derrière comme des petits chiens... Cela augure mal de l'avenir et de ce que l'on a coutume d'appeler le couple franco-allemand ! Nous risquons en effet de connaître, de ce point de vue, des difficultés de plus en plus nombreuses.

S'agissant du gouvernement économique européen, je ne peux que souscrire aux propos de mon collègue François Marc, car il existe plusieurs éléments positifs, comme le fonds de stabilisation de la zone euro et une certaine convergence fiscale en matière d'impôt sur les sociétés. Force est pourtant de constater que, sur un plan global, du fait de votre vision pessimiste de la France et de l'Europe, de votre jeu « petit bras » et de votre manque de confiance dans notre pays, vous menez une politique de restriction, de contraction de la demande. Par conséquent, comme chez Molière, le malade sera certes guéri, mais il sera mort !

En outre, vous n'opérez pas une appréciation différenciée de la situation des dix-sept États membres. Or les économies de nos pays sont bien différentes, pour diverses raisons tant historiques qu'économiques. Pour notre part, nous plaidons pour une politique ambitieuse et différenciée. Il nous faut combattre les déficits, bien sûr, mais aussi conduire une politique de recherche et développement, une politique d'investissement.

Enfin, cet agenda franco-allemand 2020 n'est ni fait ni à faire, surtout au vu de l'expérience du plan de Barcelone... ou plutôt de Lisbonne ! Tous ces éléments sont préoccupants !

Pouvez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre, sur la taxe financière ? Quels seront son assiette et son taux ? Comment sera-t-elle mise en place ?

Je souhaite également vous interroger sur la politique d'immigration, question ô combien importante.

D'aucuns ont agité le drapeau rouge et annoncé le déferlement de hordes d'étrangers venant du Sud. Mme Chantal Brunel voulait « remettre les immigrés dans les bateaux »... Or les chiffres dont nous disposons indiquent que ce problème ne se pose pas.

L'un de vos amis, M. Dominique Paillé - un homme très bien puisqu'il souhaite devenir sénateur représentant les Français de l'étranger ! (sourires) -, président de l'OFII, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, l'a dit lui-même : « Il faut arrêter d'agiter des peurs. Il n'y a pas eu d'afflux massif d'immigrés depuis le printemps arabe.»

Vous le savez tout comme nous, les seuls flux de population consécutifs à ces évènements ont concerné la Tunisie et l'Égypte : à peu près 200 000 Libyens ont rejoint ces pays, à hauteur de 100 000 dans l'un, et 100 000 dans l'autre. Quant aux autres Libyens en fuite vers le sud, il est très probable qu'ils courent encore dans le désert.

La France ne pourrait-elle proposer, lors du prochain Conseil, une action de soutien à la Tunisie et à l'Égypte en vue d'aider ces pays, qui ne disposent pas des structures suffisantes pour accueillir tous ces réfugiés, à faire face à cet afflux de population ?

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