Monsieur le Président de la commission des affaires européennes du Sénat, cher Jean Bizet, Mesdames et Messieurs les sénateurs, je suis très honoré de m'exprimer devant vous trois semaines après que le Président de la République m'a confié la responsabilité des affaires européennes auprès de Michèle Alliot-Marie.
Je veux travailler en étroite relation avec vous car je suis convaincu de la nécessité d'une concertation avec le Parlement sur les sujets européens, comme est également importante une coopération renforcée entre les parlements nationaux et le Parlement européen, « une coopération dans le respect des responsabilités de chacun », pour reprendre les mots de Jean Bizet. Le Sénat joue un rôle majeur dans l'élaboration d'une stratégie européenne efficace : en témoigne le rapport qu'Hubert Haenel a rendu sur le sujet en 2009.
Aujourd'hui, je vous présenterai les principaux éléments du prochain Conseil européen, mais d'ores et déjà, j'aimerais vous exposer mes premières orientations.
Je suis animé par deux convictions fortes :
- la première, c'est que nous ne sortirons de la crise que tous ensemble. L'Europe traverse une phase difficile, mais nous avons de vraies opportunités à saisir en nous appuyant sur l'élan de la Présidence française de l'Union européenne. La présidence française du G 8 et du G 20 peut aussi nous y aider.
- ma deuxième conviction, c'est que nous avons encore plus besoin de l'Europe après la crise qu'avant la crise, car l'Europe doit être notre meilleur bouclier et notre meilleure épée.
Ma première priorité est donc de renforcer le travail collectif et c'est pourquoi, dès ma nomination, je me suis rendu auprès de la Commission européenne et du Parlement européen à Strasbourg, que je soutiens comme capitale parlementaire de l'Union européenne. Il ne faut pas opposer l'action intergouvernementale et la méthode communautaire. Notre défi est de réussir l'articulation entre les deux, telle que l'incarne le Conseil européen. L'Europe doit mobiliser les différentes institutions de l'Union.
Ensuite j'ai commencé à nouer des contacts avec les autres Etats membres pour établir des relations de confiance. Au lendemain de ma nomination, je me suis rendu à Berlin pour m'entretenir avec mon homologue Werner Hoyer. Notre relation avec l'Allemagne est le socle de notre action en Europe, mais c'est une relation sans exclusive, car nous devons associer l'ensemble de nos partenaires en fonction des sujets. Comme je crois beaucoup aux contributions que peuvent apporter les nouveaux États membres, je me suis entretenu avec mon homologue polonais et je suis allé à Budapest pour préparer la prochaine présidence hongroise. Lors de ces différentes entrevues, j'ai pu constater combien la France est attendue. Lorsque la France se mobilise en Europe, l'Europe bouge.
Ma deuxième priorité consiste à démontrer que l'Europe protège. L'Europe ne doit pas apparaître seulement comme le bras armé de la dérégulation. L'Europe d'après la crise ne peut pas être l'Europe d'avant la crise. Il y a de nouvelles orientations à dessiner.
Tout d'abord, le premier objectif de cette priorité pour l'après-crise, c'est la consolidation de l'Europe qui protège. L'Union européenne doit accompagner les différents États membres, en ne laissant personne sur le bord du chemin. Notre réactivité à soutenir l'Irlande prouve que nous en sommes capables. Mais, pour protéger, l'Europe ne doit pas seulement réagir. Elle doit aussi agir en amont : pour améliorer la surveillance des grands équilibres économiques, pour élaborer une véritable politique industrielle ; pour renforcer la réciprocité de nos échanges commerciaux avec nos grands partenaires mondiaux ; mais aussi pour assurer les bases de la croissance, en protégeant mieux la propriété intellectuelle et en facilitant l'exploitation des brevets en Europe. Pour soutenir l'innovation, je me suis mobilisé pour faciliter la recherche d'une solution sur le brevet de l'Union européenne. Pour protéger, nous devons également renforcer l'action extérieure de l'Union européenne. La France doit prendre toute sa part à la mise en place du Service européen d'action extérieure.
Quant au deuxième objectif, il consiste à assurer la crédibilité des processus d'élargissement et des politiques de libre circulation des personnes. C'est la condition d'une vision apaisée de nos frontières. Mais nous ne pouvons réduire le processus d'élargissement ou les politiques de visas à un outil de communication ou à une variable d'ajustement. Tout en continuant à encourager les pays candidats, nous devons nous montrer exigeants.
Enfin mon troisième objectif est de faire que l'Europe montre l'exemple en étant plus efficace et en dépensant mieux. En cette période où tous les Etats européens prennent des mesures drastiques pour redresser leurs finances publiques, l'Union ne peut s'exonérer de tout effort. Mais maîtriser les dépenses ne signifie pas revoir à la baisse les ambitions européennes. Cela implique au contraire de dépenser mieux, notamment en simplifiant certains dispositifs de versement des aides européennes.
J'en viens maintenant au prochain Conseil européen qui doit nous permettre de faire avancer les priorités de cette feuille de route. Politiquement, il est important de montrer que l'Europe est résolument en état de marche.
Commençons par la politique économique. Il va s'agir de mettre en oeuvre les orientations agréées lors de la réunion des 28-29 octobre. À ce titre, la mise en place d'un mécanisme pérenne de gestion des crises montre que l'Europe veut se doter de moyens pour se protéger et pour préparer l'avenir. Je me réjouis que l'Eurogroupe ait trouvé un accord sur les contours du futur mécanisme européen de stabilité. Le Président Sarkozy a mené d'intenses consultations pour y parvenir. Herman Van Rompuy soumettra au Conseil européen une proposition de révision du traité tenant compte des travaux de l'Eurogroupe.
Sur la gouvernance économique, le Conseil européen a endossé les conclusions du groupe Van Rompuy. Le Conseil européen sera saisi d'un rapport sur l'état d'avancement de ces travaux dont nous attendons qu'ils respectent scrupuleusement les orientations déjà fixées par le Conseil européen d'octobre.
Le Conseil devra également se pencher sur l'impact de la réforme des systèmes des retraites sur le déficit. Vous le savez, il s'agit d'une demande présentée par plusieurs partenaires d'Europe centrale et orientale. Notre objectif est clair : ne pas fragiliser l'application du pacte de stabilité et de croissance par des mécanismes de compensation, au moment même où nos efforts tendent au contraire à renforcer les disciplines collectives.
Je me suis beaucoup mobilisé auprès de nos partenaires et du Parlement européen pour que l'Union vote à temps son budget pour 2011 et j'ai l'espoir que le projet pourra être approuvé par le Conseil le 10 décembre et par le Parlement européen le 15. Nous avons veillé à ce que le budget pour 2011 limite la hausse des crédits en 2011 à 2,91%.
En deuxième point, après la politique, il faut parler de l'état des travaux conduits par Madame Ashton. Il est crucial d'évaluer précisément les relations de l'Union européenne avec ses grands partenaires stratégiques, principalement la Chine, la Russie et les États-Unis. Notre objectif est d'identifier les intérêts communs aux Européens et de définir ensuite les moyens de les défendre collectivement. Les Européens ont des intérêts à défendre, qu'il s'agisse du respect des normes, de l'accès aux marchés ou de la lutte contre les nouvelles menaces (terrorisme, prolifération des armes de destruction massive).
Enfin, troisième point, le Conseil européen pourrait être invité à accorder au Monténégro le statut de candidat, mais sans que les négociations d'adhésion commencent avant que de nouvelles conditions soient remplies.
Je le réaffirme clairement : nous avons encore plus besoin de l'Europe après la crise qu'avant la crise et il faut l'adapter aux enjeux de l'après-crise.
Les Conseils européens doivent continuer de montrer l'image d'une Europe en état de marche, consciente des contraintes et des défis qu'elle doit relever, repartant à l'offensive et préparant, dès à présent, son avenir.
Je sais que la commission des Affaires européennes du Sénat aura à coeur d'oeuvrer pour réaliser cet objectif.