J'ai écouté avec plaisir votre intervention, car il est de plus en plus rare d'entendre parler de l'Europe comme d'une ambition. Je suis de ceux qui pensent que l'Europe ne peut se maintenir et ne peut sauver sa civilisation que si elle possède tous les autres attributs de la puissance, sinon chacun devine que l'Europe ne sera plus dans quelque temps que le musée de la Civilisation, à la manière de la Grèce vaincue au sein de l'Empire romain. Il faut donc être exigeant pour l'Europe !
D'autre part, je m'inquiète du problème que peut poser le binôme franco-allemand : ne pensez-vous pas que nous allons finir par fâcher les autres États membres à force de considérer comme une évidence que ce que veulent ensemble l'Allemagne et la France doit s'imposer naturellement aux autres ? Pour ma part, je suis adepte des coopérations renforcées, car je tiens que la coopération renforcée est un juste milieu entre le binôme franco-allemand et le groupe des 27.
Quant à la crise de l'euro, certains disent que c'est une crise des finances publiques et un excès de dettes, mais je pense que c'est la financiarisation de l'économie qui est fautive. Qu'attendons-nous pour agir ?
Mon expérience m'amène à penser que l'Europe est dans une crise paradoxale : le scepticisme l'emporte au moment même où nous avons le plus grand besoin de l'Europe et l'Europe n'est encore rien au moment où la globalisation triomphe. Lors de la visite du Premier ministre indien ou du Président chinois, comme je regrettais que cette visite eût lieu à Paris et non pas à Strasbourg et qu'elle ne fût pas une visite à l'Europe !
Je suggère qu'à la manière de Brasilia, nous créions la future capitale de l'Europe à partir de zéro, mais en face de Strasbourg, de l'autre côté du pont : ce serait là une belle ambition !