Intervention de Simon Sutour

Commission des affaires européennes — Réunion du 26 janvier 2011 : 1ère réunion
La politique européenne de cohésion rapport de mm. simon sutour et yann gaillard

Photo de Simon SutourSimon Sutour :

Yann Gaillard vous a convaincus que la France pouvait défendre une politique de cohésion renouvelée sans sacrifier la PAC ni creuser son solde net à l'égard de l'Union.

Ceci étant posé, je voudrais vous présenter les trois principes qui nous semblent devoir fonder la réforme de la politique de cohésion : équité, efficacité, simplicité.

1. Équité

Le traité de Lisbonne, en vigueur depuis le 1er décembre 2009, a consacré la dimension territoriale de la cohésion : cela implique de concevoir la nouvelle politique de cohésion dans la perspective d'un traitement équitable des territoires.

Son architecture actuelle n'est pas satisfaisante à cet égard. L'Union est aujourd'hui coupée en deux : d'un côté, les régions dont le PIB est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire ; de l'autre, celles dont le PIB dépasse ce seuil de 75 %. En-deçà du seuil, les régions relèvent de l'objectif convergence, qui mobilise 81% du budget de la politique de cohésion ; au-delà du seuil, elles relèvent de l'objectif compétitivité qui reçoit 16% du budget (les 3% restant allant à l'objectif de coopération territoriale qui concerne toutes les régions européennes). L'aide reçue au titre de l'objectif convergence est massive, dix fois supérieure à celle allouée au titre de l'objectif compétitivité. Pour amortir le choc du passage de la zone convergence à la zone compétitivité, il existe des systèmes d'entrée et de sortie progressives, dits « phasing in » et « phasing out ».

Considérons une région dont le PIB est légèrement supérieur à 75% de la moyenne communautaire. Elle peut se trouver dans trois cas de figures différents : soit elle relevait déjà de l'objectif compétitivité avant l'élargissement, et elle continue simplement à en relever ; soit l'effet statistique dû à l'élargissement fait mécaniquement passer son niveau de PIB au-dessus du seuil des 75 %, sans que la région considérée se soit nécessairement enrichie, et elle relève alors encore de l'objectif convergence, mais selon des modalités spécifiques et dégressives pour accompagner sa sortie de la zone « convergence » (« phasing out ») ; soit enfin, l'enrichissement de la région l'a propulsée hors de la zone convergence et elle relève alors de l'objectif compétitivité, mais reçoit à ce titre une aide particulière et dégressive destinée à amortir le choc de la baisse brutale des versements européens (« phasing in ») .

Pour un même niveau de richesse : trois intensités différentes d'aides européennes. Cette réponse inéquitable aux effets de seuils doit être revue.

C'est au nom du principe d'équité que nous défendons la proposition du commissaire Hahn de créer une nouvelle catégorie de régions en transition, c'est-à-dire dont le PIB dépasse le seuil des 75 % de la moyenne communautaire mais reste inférieur à cette moyenne : toutes les régions disposant du même niveau de richesse, dans cette tranche intermédiaire, recevraient alors le même niveau d'aide, sans distinction et quelle que soit leur histoire, et sans dégressivité sur la période de programmation. Cette nouvelle enveloppe financière plus ciblée permettrait donc de mieux soutenir des régions françaises qui en ont besoin. Outre la Martinique qui sortira en 2013 de l'objectif convergence, sept régions métropolitaines sont concernées : la Corse, le Languedoc-Roussillon, la Picardie, le Limousin, le Nord-Pas de Calais, la Basse-Normandie et la Lorraine.

C'est une chance pour nos régions, qui bénéficiera surtout à sept d'entre elles mais qui ne diminuera pas le soutien apporté aux 15 autres. Nous devons encourager le Gouvernement à soutenir clairement cette proposition du commissaire Hahn, fondée sur un principe d'équité qui représente un progrès fondamental et concret de la cohésion entre les territoires européens. La Commission attend ce soutien de la France, d'autant que l'Allemagne semble aujourd'hui préférer le maintien du système de « phasing in and out », moins coûteux.

Mais l'équité n'est pas l'égalité : elle n'empêche pas de tenir compte des spécificités géographiques de certains territoires subissant de fortes contraintes géographiques. Nous pensons ici aux régions ultrapériphériques (RUP) dont la spécificité a été consacrée par le traité de Lisbonne.

Nos 4 départements d'outre-mer sont les seuls de la République française à être éligibles à l'objectif convergence. En tant que RUP, ils reçoivent aussi une dotation complémentaire du FEDER qui représente 15 % des aides que leur verse l'Europe. L'avenir de cette dotation est loin d'être assuré à l'avenir et le cabinet du Commissaire Hahn nous a indiqué que le faible taux de consommation des crédits européens dans les DOM ne servait pas leur cause... Le Gouvernement doit donc se mobiliser pour que la spécificité des DOM soit reconnue à Bruxelles, en matière de politique de cohésion mais aussi de politique commerciale. Je reconnais la bonne volonté manifestée à ce sujet par la Ministre en charge de l'outre-mer, lors de la séance de questions cribles thématiques qui s'est tenue sur l'outre-mer et l'Europe le 18 janvier dernier au Sénat, mais je ne suis pas certain de partager son optimisme... Notre commission reviendra bientôt sur ce sujet.

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