Intervention de Nikolaus Meyer-Landrut

Commission des affaires européennes — Réunion du 4 février 2016 à 9h05
Institutions européennes — Audition de M. Nikolaus Meyer-landrut ambassadeur d'allemagne en france

Nikolaus Meyer-Landrut, ambassadeur :

L'héritage de l'histoire et notamment du IIIème Reich préserve l'Allemagne de tout débat sur la déchéance de nationalité. C'est un processus qui a provoqué un drame terrible pour certaines populations, les Juifs particulièrement. Pour les mêmes raisons historiques, l'Allemagne reste très prudente sur un éventuel engagement des forces militaires à l'intérieur du pays. Elle se réserve cette possibilité en cas de catastrophe naturelle mais c'est à peu près tout. En revanche, pour lutter contre le terrorisme, nous donnons à la police et aux services de sécurité les moyens dont ils ont besoin pour conduire leur action. Je reste convaincu que sans une protection correcte des frontières extérieures de l'Europe, nous ne pourrons pas maintenir un système de frontières ouvertes à l'intérieur de l'espace européen. Le système de Schengen évolue. La Commission observe la situation grecque pour voir si le pays est en manquement sérieux par rapport à ses obligations, auquel cas elle autorisera d'autres États membres à rétablir le contrôle aux frontières pour une durée allant de six mois à deux ans. La flexibilité du système de Schengen doit servir à faire évoluer les pratiques. Si l'on veut des résultats, il faut aller vite. À quoi servirait-il d'autoriser un État membre à rétablir un contrôle de ses frontières s'il ne peut pas l'assumer ? Nous ferons évoluer la législation de Schengen si c'est nécessaire. L'objectif reste de protéger les frontières extérieures pour laisser ouvertes les frontières intérieures.

Le ministre des finances allemand a suggéré de prélever un point d'impôt sur l'essence et le gasoil pour financer Frontex, en profitant des prix bas. La Commission commence à y réfléchir. C'est la première fois qu'un ministre des finances allemand propose un financement propre dans ce type de situation. Évitons de renvoyer M. Schäuble dans ses filets : il risquerait de ne plus faire de proposition en ce sens !

Nord Stream 2 n'est pas un projet politique, mais concerne les entreprises. Il s'agit d'élargir la construction du gazoduc initial en le conformant aux règles de la politique énergétique européenne. Sans vouloir polémiquer, ceux qui critiquent le projet prêchaient pour un South Stream qui arrivait en Italie. Pourquoi l'un serait plus légitime que l'autre ? Tout est affaire de déception à gérer. La France souhaite relier au réseau les autres pays de l'Europe de l'Est, via la plateforme allemande. La République tchèque peut déjà être alimentée par l'Ouest. La Pologne ne souhaite pas ouvrir un accès au gaz russe par l'Allemagne. Encore faudrait-il qu'elle soit en mesure d'assurer son indépendance énergétique. On a connu le même type de polémique quand Nord Stream 1 a été lancé.

Nous sommes convaincus que le traité transatlantique (TTIP) présente plus d'avantages que d'inconvénients. Il ouvrira le marché américain aux petites et moyennes entreprises européennes. Les Européens pourront participer à la définition des standards mondiaux sans abandonner la main aux Chinois. Pour convaincre l'opinion allemande, nous devons nous assurer que le traité ne menacera pas les standards que l'Europe a mis en place en matière de protection de l'environnement ou de protection sociale. Quant aux mécanismes d'arbitrage, la Commission a fait des propositions qui devraient aboutir. En ce qui concerne l'évolution du statut de la Chine au sein de l'OMC, le débat n'est pas nouveau. La Commission a défini des conditions qui n'ont pas été remplies jusqu'ici. Je ne crois pas que le dossier avancera très vite.

Est-ce le bon moment pour faire plus d'intégration ? Comme le disait Jean Monnet, « les crises forgent l'Europe ». Dans le passé, plus d'Europe impliquait de trouver un nouveau champ d'application pour la législation européenne. Désormais, il s'agit d'approfondir la mise en oeuvre de cette législation, ce qui est sans doute plus difficile.

Il n'est pas question que les Anglais aient un droit de regard sur ce que fait la zone euro. Cependant, la législation doit continuer de se faire à 28, notamment dans le secteur bancaire. Les Anglais nous demandent de les exclure d'une « Union sans cesse plus étroite ». Pour autant, rien ne nous interdit de la réaliser.

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