Cette nouvelle étude que nous avons menée sur la sûreté nucléaire, à l'occasion du projet de la Commission modifiant la directive de 2009, a confirmé que la sûreté est pour tous les acteurs du secteur une priorité absolue et qu'elle est en constante amélioration.
La directive dite « Sûreté nucléaire » de 2009 a toujours été considérée comme une première étape. Après l'accident de Fukushima en mars 2011, le mouvement ne pouvait que s'accélérer et l'actualité a placé la question de la sûreté nucléaire sur le devant de la scène, mais aussi au coeur du débat sur l'avenir du nucléaire et sur la transition énergétique.
La sûreté nucléaire apparaît aujourd'hui comme une priorité européenne et il est clair aussi qu'elle constitue un avantage compétitif majeur pour les industriels européens de la filière, car ils ont une petite longueur d'avance dans ce domaine.
On ne doit pas cacher que l'opinion publique est inquiète, même en France où nous pouvons nous prévaloir d'un très haut niveau de sûreté grâce à la qualité des centrales nucléaires et grâce à l'action et à l'indépendance reconnues de l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), mais dans notre pays nous avons la culture du doute. Il est donc légitime de répondre à cette inquiétude. En conséquence, l'enjeu de l'approche européenne consiste à parvenir à hisser vers le haut le niveau de sûreté nucléaire dans chaque État membre et en particulier chez ceux qui n'ont pas encore atteint un niveau optimal. Le projet de modification de la directive de 2009 va naturellement dans cette direction en préconisant une évolution uniforme du cadre général européen en matière de sûreté nucléaire. Comme le résumait un opérateur, tout l'esprit de la sûreté nucléaire est contenu dans cette formule : « Rien de ce qui se passe à l'intérieur d'une centrale nucléaire ne doit avoir de conséquence à l'extérieur et vice-versa ».
La première directive sur la sûreté des installations nucléaires adoptée le 25 juin 2009 a sacralisé, sans les développer, les grands principes en matière de sûreté en résumant le travail de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et de l'Association des autorités de sûreté nucléaire des pays d'Europe de l'Ouest (WENRA). Cette directive a eu le mérite de fixer un cadre communautaire pour assurer le maintien et la promotion de l'amélioration continue de la sûreté nucléaire et de sa réglementation.
Il était logique que, suite à l'accident de Fukushima, qui aurait pu être évité si l'opérateur avait fait les travaux demandés par le régulateur, le Conseil européen décide en mars 2011 d'évaluer la résistance des centrales nucléaires européennes en cas d'événements extrêmes, et invite la Commission à procéder à l'examen du cadre législatif et réglementaire existant en matière de sûreté des installations nucléaires et à proposer toutes les améliorations qui lui sembleraient nécessaires.
C'est ainsi que la Commission a lancé des pistes de réflexion visant à l'amélioration du cadre communautaire existant en matière de sûreté nucléaire. Puis, le 13 juin 2013, après consultation et négociation, elle a adopté un projet de révision de la directive de 2009.
Il faut rappeler qu'il existe 132 réacteurs en activité sur le territoire de l'Union européenne et que certains États membres envisagent d'en construire d'autres, comme l'Angleterre en particulier. En outre une partie du parc nucléaire a vieilli et bientôt se posera la question de son renouvellement ou de son démantèlement. Un chantier nucléaire immense nous attend dans tous les cas de figure.
Certes, les tests de résistance effectués dans l'Union européenne à la suite de l'accident de Fukushima montrent que le niveau global de sûreté de ces réacteurs est satisfaisant. Toutefois, il est apparu que des améliorations pouvaient être apportées et que l'on constatait des divergences dans l'approche adoptée par les États membres dans ce domaine. La communication du commissaire Oettinger sur les « stress tests » a été malheureuse et alarmiste dans un premier temps, mais il faut rappeler que ces tests ont été très positifs.
C'est ainsi que le cadre européen pour la sûreté nucléaire sera actualisé par le projet de révision afin de prendre en compte les dernières avancées techniques intégrant les conclusions des tests de résistance et des analyses de l'accident de Fukushima.
Dans ce projet européen, on peut distinguer quatre points importants :
1 - Un renforcement de l'indépendance des autorités de sûreté
Toutes les autorités de sûreté nationale ne sont pas comme l'ASN des entités indépendantes du pouvoir exécutif ; il s'avère même souvent qu'elles sont un département du ministère de l'énergie. Certains États membres n'ont pas d'autorité de sûreté comme les Pays-Bas. La Commission, soutenue en cela par la France, souhaite que les autorités nationales voient leur rôle se renforcer et soient dotées des ressources et du personnel appropriés. L'ASN compte 450 collaborateurs.
2 - Prendre en compte chaque étape du cycle de vie d'une centrale
Le projet fixe de nouveaux objectifs de sûreté à chaque étape du cycle de vie des installations nucléaires (choix du site, conception, construction, mise en service, exploitation et déclassement). Cette exigence nouvelle découle de la maturité d'une partie du parc nucléaire. On pense que si la durée de vie de certaines centrales est prolongée, cela ne peut se faire qu'en s'entourant des mesures de sûreté adaptées (sur ce point, EDF investira 10 milliards d'euros). De même, le démantèlement des réacteurs qui seront fermés doit se faire dans les meilleures conditions.
3 - La revue par les pairs « Peer Review »
Le projet de révision institutionnalise le principe de la revue par les pairs, c'est-à-dire un système européen d'examen régulier par les pairs des installations nucléaires afin de vérifier le niveau de conformité technique de ces installations aux objectifs de sûreté.
Ces examens par les pairs, sur le modèle de ceux lancés par l'AIEA, permettront d'élaborer des lignes directrices techniques destinées à améliorer la sûreté nucléaire.
La question qui se pose est celle de leur périodicité, car il s'agit d'exercices lourds et coûteux. La négociation a porté aussi sur l'attribution du pouvoir de choisir le thème d'investigation et sur la place de la Commission dans le processus.
4 - Vers une plus grande transparence
Le projet de révision tend vers une plus grande transparence (certains préfèrent qu'on parle plutôt d'information) : les titulaires d'une autorisation d'exploiter des installations nucléaires et les autorités de surveillance seront tenus d'informer la population rapidement et régulièrement, en particulier en cas d'accident et les citoyens pourront participer davantage au processus d'autorisation des installations nucléaires. Je laisse la parole à mon collègue.