Je vais vous parler des réactions au projet de la Commission.
Les réactions à la première mouture du projet ont été d'abord très mitigées, car la Commission semblait vouloir s'arroger un pouvoir centralisé et supranational sur les autorités de sûreté nationales. Après négociation, le texte corrigé fait consensus, la Commission ayant admis que la sûreté nucléaire devait rester une compétence nationale soumise aux normes internationales émises par les instances internationales où se retrouve l'ensemble des autorités de sûreté (AIEA - WENRA - ENSREG). Désormais, chacun s'accorde pour dire que sur un territoire donné, il ne peut y avoir qu'un seul gendarme de la sûreté nucléaire. Je crois qu'on peut remercier la Représentation permanente à Bruxelles pour l'excellente négociation qu'elle a menée.
1 - La position française et l'avis de l'Agence de Sûreté Nucléaire sur le projet de révision de la directive de 2009
Le 15 janvier 2014, l'ASN a rendu public son avis sur ce projet. L'ASN se réjouit du renforcement des dispositions sur la transparence et sur l'information du public ; elle salue la définition d'objectifs de sûreté pour les installations nucléaires couvrant toutes les étapes de leur vie et l'obligation de conduire des réexamens de sûreté décennaux.
Cependant, l'ASN demandait que la Commission lève toute ambiguïté sur la responsabilité du contrôle de la sûreté nucléaire et renforce davantage l'indépendance institutionnelle des Autorités de sûreté. Au-delà de la séparation fonctionnelle, ces autorités doivent être juridiquement indépendantes des autorités chargées de la politique énergétique. Sur le premier point, l'ASN a obtenu satisfaction, mais sur le second, il n'a pas été possible d'obtenir plus que l'indépendance fonctionnelle des autorités nationales de sûreté.
L'ASN recommandait de prévoir un mécanisme commun pour des examens thématiques de sûreté sous la responsabilité des Autorités de sûreté nationales faisant l'objet, au niveau européen, de revues et de suivi par les pairs, les résultats étant rendus publics et elle a été entendue.
Il faut rappeler que la France s'oppose à toute ingérence de la Commission dans les missions de sûreté de l'Autorité de sûreté. Pour la France, il est crucial de respecter le partage des compétences en matière de sûreté nucléaire et de veiller au caractère facilement transposable des dispositions de la directive. L'intervention de la Commission pour définir un sujet commun d'examen avec les États membres lors des revues périodiques n'est pas souhaitable : même si elle soutient le principe de la revue par les pairs, la France juge qu'il conviendrait que cette revue soit mise en place par les États et non pas imposée par la Commission. La Commission considère, pour sa part, qu'elle a un rôle d'initiative en collaboration avec les États membres et qu'elle se doit d'intervenir dans le cas où les États membres ne sélectionneraient aucun sujet d'examen. La négociation s'est conclue en faveur de la position française. La Commission sera simplement observateur grâce à son siège au Groupement européen des autorités de sûreté nucléaire (ENSREG).
2 - La position de la commission des affaires européennes du Sénat
Notre commission a voté le 25 mai 2011 une proposition de résolution dans laquelle elle soutenait la démarche des tests de résistance ainsi que le principe des tests périodiques en collaboration avec les pairs, appelant de ses voeux une révision de la directive de 2009. Sur ce point, nous avons donc été suivis.
Il ressort de cette résolution, et de l'ensemble des travaux précédents de la commission des affaires européennes dans ce domaine, que notre commission est parfaitement en phase avec les derniers développements du sujet ainsi qu'avec l'esprit du projet de révision à l'exception de divers points qui ont fait l'objet d'une négociation serrée et positive à Bruxelles comme par exemple le rôle de la Commission européenne.
En conclusion, je vous dirai que ma collègue et moi-même n'avons aucun doute que le texte de révision de la directive « Sûreté nucléaire » tel qu'il a été renégocié et tel qu'il est sorti de la réunion du Groupe des questions atomiques du mercredi 14 mai dernier va dans le bon sens. En matière de sûreté nucléaire, il convient d'adopter le principe dynamique d'une constante vigilance et d'une constante amélioration. C'est un domaine où il faut imaginer l'inimaginable. Une gestion saine de la sûreté nucléaire passe par la nécessité de poser des normes élevées et d'attendre que chacun les ait adoptées avant de réformer ces premières limites qui avaient d'abord été jugées indépassables. L'industrie demande qu'on la laisse atteindre un palier avant d'en proposer un autre. Cependant, chaque fois un nouveau palier d'exigence se profile.
Heureusement, le progrès technique vient étayer la sûreté nucléaire. On sait que les nouvelles centrales sont bien plus sûres et que le vrai problème qui se pose concerne naturellement les anciens réacteurs, ce qui conduit à la question de leur durée de vie et, de là, au choix de politique énergétique.
Quant à la question de savoir si le coût de la sûreté nucléaire est ou non proportionné aux bénéfices qu'on en retire, vos rapporteurs tiennent à rappeler qu'aujourd'hui, l'approche reste et devra encore rester que « la sûreté n'a pas de prix ». Les producteurs nous ont fait savoir que le renforcement constant de la sécurité avait renchéri le prix de l'électricité nucléaire mais qu'elle restait cependant compétitive pour l'instant mais qu'ils ne préjugeaient pas de la suite.
Il ressort de nos entretiens que la sûreté nucléaire est le souci constant des régulateurs et des producteurs. Il ressort aussi que la sûreté nucléaire ne cesse de progresser et que tous la perçoivent comme une ardente obligation.
Comme la production d'électricité d'origine nucléaire est aujourd'hui plus écologique et plus compétitive que les autres modes de production et que la question de la sécurité est traitée d'une manière toujours plus satisfaisante, le débat quitte le terrain technique et économique et se déplace maintenant sur le plan politique : quelle part d'énergie nucléaire voulons-nous ? Si nous voulons conserver la même part, il faut commencer à renouveler une partie du parc nucléaire. Si nous voulons une plus grande part d'énergie d'origine renouvelable, il faut aussi assurer la transition en renouvelant le parc nucléaire. Dans les deux cas, ce renouvellement plus ou moins extensif se fera dans les meilleures conditions de sûreté. Le projet de révision de la directive de 2009 y veillera dès qu'il aura été adopté, ce qui devrait arriver avant le 14 juillet prochain.