Intervention de Nicole Bricq

Commission des affaires européennes — Réunion du 11 juin 2013 : 1ère réunion
Politique commerciale — Audition de Mme Nicole Bricq ministre du commerce extérieur

Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur :

Il y a eu beaucoup de questions sur le vin et je reconnais là la tradition française et sénatoriale. Je serai à Vinexpo le 17 juin et je m'exprimerai à ce sujet pour rappeler que je soutiens les producteurs français. Karel De Gucht lui-même a reconnu qu'il n'y avait pas de vin subventionné en France, pas plus qu'ailleurs. Mais la Chine va suivre la même procédure que la Commission : engager une enquête qui peut durer jusqu'à 18 mois et peut-être prendre des mesures provisoires. Ce que vous évoquez, le blocage en douane, est hélas une pratique courante. J'étais à Cognac il y a quelques semaines et j'ai appris que la Chine bloquait des caisses de Cognac. Cela fait partie des aléas du commerce. C'est une mesure préventive et une forme de patriotisme.

Il faut que vous sachiez que le haut de gamme n'a rien à craindre. Il est hors marché. En Chine, il n'y a pas de moyenne gamme. Ce qui va souffrir, c'est le vin en vrac. Que dit la Chine aujourd'hui ? Le dumping s'élèverait à 21 % ! En effet, la Chine évoque les aides octroyées dans le cadre de l'Organisation commune de marché (OCM), l'aide à la distillation, les aides à la promotion, les assurances agricoles, les aides au développement rural, les aides régionales (en Corse par exemple). La Chine consolide toutes ces aides et arrive à 21 %. Mais quoi qu'il en soit, je suis au côté des producteurs.

M. de Montesquiou me dit que nous négocions en position de faiblesse. Au contraire, je dis « nous sommes 500 millions de consommateurs européens », et donc nous sommes une force de marché, ce qui nous permet de dire d'emblée ce que l'on veut et ce qu'on ne veut pas, plutôt que tout mettre sur la table. Sinon nous ferons comme pour le Canada : cinq ans après le début des négociations, nous recommençons par le début et nous remettons tout en question. Ne commettons pas une deuxième fois la même erreur.

M. Bourquin a bien illustré le concept de réciprocité au travers des marchés publics. Les marchés publics américains sont plus fermés que les marchés publics européens ; donc, nous souhaitons affirmer que si l'on ouvre, il faut que l'ouverture soit en face aussi. C'est l'objet de la négociation et c'est l'idée que j'ai défendue auprès de nos amis allemands.

M. Bourquin a aussi évoqué la parité dollar/euro, mais la monnaie n'est pas le sujet de la négociation puisque dans l'Union européenne, tous les États ne sont pas dans la zone euro.

Rappelons que les dévaluations monétaires doivent agir sur la demande intérieure, mais on ne doit pas les utiliser pour faire de la dévaluation compétitive vis-à-vis des autres partenaires commerciaux.

Mme Lamure a parlé des transferts de technologie. Je vous confirme qu'ils ne sont pas dans l'accord. On n'est plus dans cette ancienne position vis-à-vis des grands émergents qui consistait à arriver dans un pays avec l'idée que nous avons le meilleur produit et donc que nous le vendons sans mal. Aujourd'hui, soit nous avons un produit de niche et alors la question ne se pose pas, soit on est en concurrence, ce qui nous arrive souvent, et alors les pays acheteurs nous demandent de nous internationaliser et le ticket d'entrée sur le marché, c'est l'obligation de produire localement et il vaut mieux produire là où est le marché. Au même moment, ces pays demandent des transferts de compétences, des transferts de savoir-faire et de technologie. Il faut admettre qu'un acheteur de nos produits doit être aussi un partenaire. Dans certains secteurs, l'État aura naturellement « son mot à dire » : il s'agit des secteurs stratégiques comme le nucléaire, et là il faut encadrer les transferts. Mais ce partenaire émergent deviendra sans doute demain un concurrent et c'est pour cela qu'il faut toujours garder un temps d'avance sur lui et conserver une grande attractivité.

Mme Lamure m'interroge sur les chiffres du commerce extérieur. Il est vrai que le déficit s'élevait à 74 milliards en 2012 à cause de la facture énergétique. J'ai pour objectif d'arriver à un équilibre hors énergie, car je n'arriverai pas à maîtriser le coût de l'énergie ! Tout ce que je peux faire en matière d'énergie, c'est favoriser l'efficacité énergétique.

Les chiffres du commerce extérieur s'améliorent, mais nous avons toujours un problème avec notre marché de proximité, c'est-à-dire l'Europe et plus particulièrement l'Espagne et l'Italie. Regardez la chute des ventes d'automobiles à l'Espagne et à l'Italie. En avril, nos exportations ont grimpé de 4 %, mais nos importations repartent aussi à la hausse. Quand l'automobile repartira, nos importations d'automobiles augmenteront aussi à nouveau. On sait bien que nous avons un problème concurrentiel et Peugeot va se développer hors de l'Europe. Ils feront peut-être une usine au Vietnam, ce qui est une stratégie d'entreprise normale, car il faut être proche de ses marchés.

M. Vaugrenard, M. Bizet et M. Gattolin ont évoqué la question des normes sociales. J'ai reçu les neuf candidats à la succession de Pascal Lamy et à chacun, j'ai posé la même question sur le rapprochement de l'OMC des autres organisations internationales comme l'OIT. Ce sont des domaines différents, mais les normes sociales sont une source de concurrence déloyale, au-delà des droits de l'Homme.

Je remercie M. Bizet d'avoir rendu hommage à Pascal Lamy qui a tenu bon sur les grands principes du libre-échange. Le commerce mondial, c'est maintenant pour un tiers entre le Sud et le Sud, ce qui signifie que beaucoup de pays en voie de développement sont entrés dans le commerce international.

Les règles habituelles ont explosé et le multilatéralisme est en panne. Certes, il y a une échéance importante sur la facilitation du commerce à Bali en décembre 2013. On va tenter de relancer le cycle de Doha. Cependant, les grands émergents ont fait exploser les règles habituelles du commerce mondial parce qu'ils sont devenus des puissances commerciales de premier ordre (Brésil, Chine, peut-être Russie dans une moindre mesure) et ils n'assument pas leurs responsabilités de puissance commerciale vis-à-vis du reste du monde, et c'est cela qui crée de la distorsion. Les accords de libre-échange qui se négocient aujourd'hui dans le Pacifique et l'Atlantique vont mettre ces nouvelles puissances au pied du mur. Je prends le cas du Brésil que je ne stigmatise pas ; mais tantôt c'est un pays riche avec des pauvres et tantôt un pays pauvre avec des riches. Le Brésil joue sur les deux tableaux et s'y entend dans l'art de fermer son marché qui est donc très difficile d'accès.

La qualité essentielle d'un bon directeur de l'OMC, c'est d'amener les Américains et les grands émergents au multilatéralisme. Programme difficile, mais les accords de libre-échange en gestation vont amener les émergents à leurs responsabilités mondiales.

Le sénateur César, administrateur d'Ubifrance, exerce sa vigilance et je l'en remercie, et je réponds par la même occasion à M. Gattolin : en 2008, le Gouvernement a pratiqué la « dévolution » : les services compétents pour les grands contrats sont logés à l'Ambassade sans relever du ministère des affaires étrangères ; ce sont des services du Trésor, il faut s'en souvenir. L'opérateur commercial Ubifrance est celui qui fait le « gros » du commerce, c'est-à-dire PME, PMI et ETI.

Le commerce extérieur de la France s'élève à 440 milliards dont 8 % sont assurés par les grands contrats comme l'aéronautique. Tout le reste correspond au commerce courant dont le luxe qui est un vrai navire amiral. C'est là, dans le commerce courant, qu'on trouve une marge de progression.

Quant à la question des visas, c'est signe que les PME se mobilisent et se portent de plus en plus vers les marchés lointains. Donc, je dis à M. Merceron et à M. Gattolin, nous réorganisons nos services sur le territoire et à l'étranger.

Dans le cadre de la modernisation de l'action publique, ou encore « réforme de l'Etat », je suis chargée de l'évaluation de notre dispositif à l'exportation. Il y a de nombreux opérateurs.

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