Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 2 juillet 2014 à 15h00
Environnement — Paquet « air pur » : communication de m. andré gattolin

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Présenté le 18 décembre 2013, le paquet « Air pur » est formellement constitué par cinq documents :

- la Communication de la Commission intitulée Programme « Air pur pour l'Europe » ;

- une proposition de directive concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques et modifiant la directive 2003/35/CE ;

- une proposition de directive relative à la limitation des émissions de certains polluants dans l'atmosphère en provenance des installations de combustion moyenne ;

- une proposition de décision du Conseil portant approbation de l'amendement au protocole de 1999 à la Convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance ;

- une analyse d'impact des trois textes juridiques proposés.

La cohérence conceptuelle conduit à prendre également en considération la proposition de règlement, rendue publique le 31 janvier 2014, tendant à réduire les émissions polluantes des véhicules routiers.

Il convient enfin d'avoir à l'esprit la législation européenne sur les carburants et sur les infrastructures de carburants propres. En effet, cette construction juridique a permis d'éliminer le soufre présent autrefois dans les dérivés du pétrole ; elle favorise aujourd'hui l'essor des véhicules électriques, parallèlement à l'utilisation du gaz naturel ou du gaz de pétrole, deux carburants dont l'usage n'engendre guère d'émission de produits toxiques.

Cette précision me donne l'opportunité de souligner sans plus attendre la différence capitale entre le paquet « Air pur » et la politique climatique : alors que la lutte contre le réchauffement de la planète se concentre sur les gaz à effet de serre - dont le plus connu mais pas le plus actif est le gaz carbonique, souvent désigné par sa formule chimique CO2 - le paquet « Air pur » a pour finalité unique de défendre la santé en éliminant les substances toxiques encore trop souvent présentes dans l'air que nous respirons. Cette distinction se traduit par le fait qu'une seule substance soit visée à la fois par la politique climatique et par la volonté d'un air pur : le méthane, dont la contribution à l'effet de serre joue un rôle croissant. Le seul autre lien entre la politique énergie-climat et le paquet « Air pur » concerne le calendrier : de façon fort heureuse, la Commission européenne a retenu des échéances identiques pour chacun de ces objectifs. Nous retrouverons donc dans le paquet « Air pur » les années 2020, 2025, 2030 et 2050.

Au cours de cette brève communication dont le seul but est d'informer notre commission sur les grandes lignes du paquet « Air pur », je ne m'étendrai pas aujourd'hui sur le bilan de l'action conduite par l'Union européenne en ce domaine depuis 2001, me contentant de vous dire que les buts fixés sont très largement atteints, ce qui autorise à franchir une nouvelle étape ayant l'année 2030 pour horizon. Ce devrait être l'avant-dernière étape, puisque les « objectifs à long terme » de l'Union européenne pour la qualité sanitaire de l'air devraient être atteints à l'horizon 2050.

Pour s'en tenir à l'horizon 2030, la Commission européenne estime que le dispositif proposé devrait permettre que la réduction des émissions toxiques atteigne 70 % de l'écart entre la valeur de référence actuelle - constituée par les chiffres de 2005 - et la réduction maximale techniquement possible. Sur le plan sanitaire, le recul de l'espérance de vie imputable à la pollution de l'air devrait passer de 8,5 mois en 2005 à 4,1 mois en 2030.

J'en viens donc aux textes présentés le 18 décembre dernier, dont les objectifs peuvent être regroupés en trois catégories :

- poursuivre la réduction déjà entamée des émissions de substances toxiques par les États membres de l'Union européenne ;

- étendre doublement le champ de cette politique. La première extension concerne les particules fines - celles dont le diamètre est inférieur à 2,5 microns, soit 2,5 millièmes de millimètre. La seconde extension s'applique aux installations de combustion moyennes, définies par une puissance comprise entre 1 et 50 mégawatts. Il peut s'agir d'installations produisant de l'électricité, mais aussi de la chaleur ou du froid, dans le secteur résidentiel, tertiaire ou industriel.

- instituer un traitement spécifique pour deux cas particuliers : l'agriculture et l'automobile.

Les émissions de substances toxiques par les États membres de l'Union européenne sont actuellement régies par la directive 2001/81/UE du 23 octobre 2001, qui fixe des plafonds d'émissions nationaux (PEN) pour certains polluants atmosphériques, à savoir :

- le dioxyde de soufre, principale cause des pluies acides, qui ont très largement disparu aujourd'hui ;

- la vaste famille des oxydes d'azote, dont le plus dangereux pour la santé humaine est le dioxyde d'azote NO2 ;

- les composés organiques volatils autres que le méthane ;

- l'ammoniac.

Il peut sembler étrange que l'ozone troposphérique ne soit pas mentionné parmi les molécules polluantes dont les émissions seraient limitées, alors même que cette substance est incriminée aussi bien pour les décès prématurés que pour la survenue de pathologies respiratoires comme l'asthme. Ce n'est pas un oubli, mais la conséquence logique du fait que l'ozone troposphérique apparaît (dans l'atmosphère au niveau terrestre) comme résultat de réactions chimiques induites notamment par la chaleur et impliquant les oxydes d'azote. Ainsi, limiter les émissions d'oxyde d'azote permet aussi de combattre la présence d'ozone dans les couches atmosphériques les plus proches de la surface terrestre. Cet exemple illustre l'orientation principale du texte proposé, qui met l'accent sur la réduction des émissions à la source. Ainsi, le gain espéré devrait atteindre 57 % des composés organiques volatils concernés et 72 % des oxydes d'azote.

Mais la pollution atmosphérique en un lieu donné s'explique aussi par des émissions polluantes à distance, parfois même très éloignées. D'où l'intérêt du protocole de Göteborg, relatif précisément à la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance. Au niveau de l'Union européenne, la pollution transfrontière explique plus de 60 % de l'ammoniac respiré par les citoyens. En l'occurrence, la Commission européenne propose de ratifier un amendement signé en 2012, afin d'encourager sa ratification par les tierces parties. Ce protocole concerne les mêmes substances polluantes que celles initialement visées par la directive du 23 octobre 2001.

J'en viens donc au deuxième objectif du paquet « Air pur » : étendre le champ couvert, en premier lieu par l'extension des polluants concernés. Il s'agit ici d'inclure en premier les particules fines - dont le diamètre est inférieure à 2,5 microns, dénommées « PM2,5 ». Ces particules sont de loin les plus dangereuses pour la santé, car elles pénètrent profondément dans l'organisme grâce à leur taille microscopique, au moins 20 fois inférieure au diamètre d'un cheveu.

La deuxième adjonction concerne le méthane, bien que ce gaz ne soit pas directement toxique par lui-même, sauf à très grande concentration. Cette adjonction s'explique pourtant par le fait que ce gaz facilite l'apparition d'ozone en présence de dioxyde d'azote. On peut donc le considérer comme un précurseur lointain de l'ozone ou comme un adjuvant du dioxyde d'azote dans la fabrication d'ozone troposphérique. En un siècle, la teneur de la troposphère en ozone a doublé. D'où l'intérêt de réduire ses précurseurs et, idéalement, de les éliminer.

La deuxième extension de la politique de l'air pur concerne les installations de combustion moyenne, définies par une puissance thermique comprise entre 1 et 50 mégawatts. Ces installations constituent la principale lacune dans la législation européenne sur les sources des émissions, puisqu'elles échappent à toute réglementation. De fait, les petites installations relèvent de la directive 2009/125/UE du 21 octobre 2009 établissant un cadre pour la fixation d'exigences en matière d'écoconception applicables aux produits liés à l'énergie, cependant que les grandes installations sont régies par la directive 2010/75 du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles.

La proposition de directive, qui doit s'appliquer à quelque 143.000 installations de taille moyenne, tend à combler cette lacune en introduisant des valeurs limites applicables aux oxydes d'azote et du dioxyde de soufre émis, sans omettre les particules.

Pour achever mon propos, il me reste à évoquer les deux secteurs d'activités faisant l'objet de traitements spécifiques : l'agriculture et l'automobile.

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