Élaborée par le maître d'ouvrage, l'évaluation des incidences environnementales est imposée depuis la directive du 27 juin 1985 pour une série de chantiers, privés ou publics, devant faire l'objet d'une autorisation administrative. Les règles applicables dans ce domaine ont été consolidées à droit constant par la directive du 13 décembre 2011. La Commission européenne a pris les États membres par surprise en publiant le 26 octobre 2012 une proposition étendant le champ de cette procédure et modifiant fortement son déroulement.
J'avais donc soumis à notre commission une proposition de résolution européenne, adoptée ici-même le 20 mars 2013 et devenue résolution du Sénat le 25 avril suivant, tendant à repousser la totalité des dispositions nouvelles.
La procédure législative européenne ayant abouti à la directive 2014/52 du 14 avril 2014, nous pouvons comparer la résolution européenne et le texte définitif. Il apparaît que, si l'adjonction de nouvelles problématiques environnementales n'a pu être évitée, nous avons eu satisfaction sur tous les autres points.
Trois problématiques environnementales nouvelles ont été ajoutées : biodiversité ; changement climatique ; exposition aux catastrophes, d'origine naturelle ou humaine. Nous avions estimé inopportun d'étendre le domaine d'application de cette procédure, qui motivait déjà 40 000 à 60 000 évaluations par an. L'entrée en vigueur toute récente de la loi Grenelle II justifie que la France repousse tout nouveau changement. Malgré cette objection de bon sens, la Commission européenne a considéré qu'il y avait là une adaptation essentielle, ce que le Parlement européen et le Conseil ont avalisé. Ainsi, quelque deux cents types de projets devront désormais faire l'objet d'une évaluation environnementale avant même l'enclenchement de la procédure d'autorisation. Le Parlement européen voulait y ajouter les gaz de schiste. Le Conseil l'ayant refusé, le compromis final revient, sur ce point, au dispositif initial proposé par la Commission européenne le 26 octobre 2012.
Pour le reste du projet de directive, nos arguments paraissent avoir été entendus.
Notre commission avait ainsi observé que les chantiers de démolition n'ont pas nécessairement d'incidence environnementale justifiant une évaluation préalable. Comme nous l'avions demandé, la mouture définitive du texte autorise l'évaluation de l'incidence environnementale d'une démolition lorsque le cas d'espèce le justifie, sans l'imposer de manière systématique.
L'examen au cas par cas est une étape préparatoire, visant à vérifier la nécessité d'une évaluation de l'incidence environnementale. Facultative depuis 1985, cette procédure serait devenue obligatoire si le texte initial avait été adopté sans modification. La commission des affaires européennes s'était opposée au travail supplémentaire induit par une telle évolution. Elle a eu gain de cause, puisque les modifications apportées au statu quo sont rédactionnelles.
Idem pour la procédure de cadrage préalable, qui restera facultative. Si le maître d'ouvrage demande à en bénéficier, l'administration devra le guider en lui indiquant ses priorités pour le cas d'espèce.
Notre commission contestait la disposition nouvelle transférant à l'autorité administrative compétente la tâche d'achever l'évaluation des incidences environnementales. La directive adoptée ne comporte plus ce dispositif : le rapport d'évaluation restera réalisé par le maître d'ouvrage.
La directive 2014/52 édulcore fortement l'introduction d'un scénario de référence dans l'évaluation environnementale : subsistent exclusivement « les aspects pertinents de l'état actuel », accompagnés d'« un aperçu de son évolution probable ». Dans ces conditions, l'obligation nouvelle revient à expliciter une réflexion indispensable pour évaluer l'incidence du projet, c'est-à-dire l'écart entre ses conséquences et le statu quo. Le texte initial était plus exigeant, puisqu'il mentionnait « l'évolution probable » et non un simple aperçu de celle-ci. Sa rédaction imprécise aurait en outre été source de contentieux.
Notre commission s'était également élevée contre l'obligation de recourir au moins une fois à un expert accrédité, ce qui aurait obligé l'administration à recruter un consultant pour étudier le rapport du maître d'ouvrage si celui-ci avait présenté une évaluation réalisée sans le concours d'un expert agréé. In fine, l'étude d'impact devra être réalisée par des experts compétents et l'autorité administrative devra simplement disposer de l'expertise nécessaire pour apprécier l'étude qui lui est soumise.
Enfin, la proposition de directive portait atteinte aux conditions de l'enquête publique, la Commission européenne entendant restreindre le débat public à un délai compris entre 30 et 90 jours. L'enquête publique en France est actuellement conduite par un intervenant indépendant, sous la supervision de la Commission nationale du débat public. La loi Grenelle II autorise cette commission à nommer un « garant » devant veiller à ce que le public puisse présenter ses observations et contre-propositions. En droit français, la procédure de débat public, de six mois au maximum, est suivie d'une phase de concertation avec le public, puis de l'enquête publique, limitée à trois mois. Les délais proposés par la Commission correspondaient à la seule procédure d'enquête publique ! Réduire ainsi le temps consacré à la participation du public était un mauvais message à adresser à nos concitoyens.
Heureusement, la rédaction finale satisfait pleinement la résolution du Sénat, puisque seul subsiste le délai minimal de 30 jours, les plafonds de durée continuant à relever des États membres.
Lors des négociations ayant débouché sur la directive de 2014, les négociateurs français ont systématiquement soutenu la résolution du Sénat, qui était donc celle de la France. Sans doute n'était-il pas indifférent que la résolution européenne ait été adoptée par notre commission à la quasi-unanimité.