Je veux attirer l'attention du Gouvernement sur l'étrange initiative du président de la Commission européenne, qui a invité, il y a quelques mois, des dignitaires religieux à une conférence à Bruxelles, pour y nouer un « dialogue interreligieux ».
Sur quel article du traité de Nice s'appuie cet élargissement du champ des compétences de la Commission européenne ? Au nom de quelle conception de la liberté de conscience les courants d'opinion rationalistes sont-ils exclus du débat sur les finalités de la vie en société ?
Je me pose aussi des questions sur une autre dérive survenue pratiquement au même moment : en pleine crise politique causée par la publication des caricatures de Mahomet, le président en exercice de l'Union européenne, le chancelier autrichien, a organisé au mois de janvier dernier un séminaire destiné à célébrer « les valeurs de l'Europe ». Il a ainsi commenté sa décision : « Pour créer un monde meilleur, nous avons besoin de la contribution des partenaires religieux, des forces constructives et modérées. »
Une telle position est-elle compatible avec la doctrine constante de la France, fondée sur la séparation des Églises et de la puissance publique ? Notre Gouvernement a-t-il donné son aval à de tels errements ? Est-il exact enfin que le séminaire de Bruxelles avait pour but d'anticiper sur les objectifs du traité constitutionnel dont la validation a été rejetée par la France et les Pays-Bas ? S'agit-il de faire comme si la référence du préambule du traité constitutionnel à des « héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe » avait été approuvée ?
Si tel devait être le cas, ce serait une violation délibérée de la souveraineté des nations, mais aussi une réduction intolérable de la liberté d'opinion que doit garantir l'Union européenne à l'ensemble de ses citoyens. Ce serait enfin une atteinte grave à notre conception de la liberté de conscience, telle qu'elle est inscrite dans la loi de séparation des Églises et de l'État de 1905, et dans le préambule de la Constitution de 1946.