Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite aujourd'hui attirer votre attention sur le projet d'aménagement de l'École militaire de Paris et de son quartier environnant. Cet ensemble de treize hectares, situé en plein coeur de Paris, a besoin d'être réhabilité, n'étant plus fonctionnel ni utilisé à pleine capacité, ses diverses utilisations étant d'ailleurs fort désordonnées.
Lors de chaque élection présidentielle, le serpent de mer de cet aménagement revient.
En 1981, il avait été envisagé de supprimer le manège, qui est un lieu d'histoire et de création de nombreux concepts de cavalerie.
Sous François Mitterrand, l'installation de la présidence de la République à l'École militaire avait été évoquée.
Aujourd'hui, l'état-major européen s'installant à Paris à la place de l'état-major de l'armée de terre, vous avez pris la décision, au mois de juin dernier, de transférer ce dernier dans l'enceinte de l'École militaire. C'est apparemment une bonne chose, car ce transfert va s'accompagner d'un réaménagement général de l'École et de la construction d'un bâtiment neuf, pour un coût total de 75 millions d'euros. Une réflexion d'ensemble fait toutefois défaut.
Outre le fait qu'il est surprenant qu'un état-major s'installe dans une école en temps de paix, il faut savoir que l'implantation de l'état-major européen en France n'est pas définitive, car cet état-major ira ensuite de pays en pays.
Les quartiers du centre de Paris, notamment le VIIe arrondissement, regroupent de nombreux ministères, installés dans des hôtels particuliers, certes magnifiques, mais inadaptés à la modernisation. Une décongestion et un déplacement des administrations sont donc nécessaires.
Certains grands ministères avaient choisi de s'agrandir dans le centre de Paris. Et il fallut, dans les années soixante-dix, le scandale de la destruction par le ministère de l'agriculture d'un magnifique hôtel particulier situé au coin de la rue de Varenne et de la rue Barbey-de-Jouy pour qu'un plan de sauvegarde du VIIe arrondissement soit arrêté afin d'encadrer les décisions sur ce sujet.
Depuis, de grands ministères ont décentralisé leurs administrations. Le ministère de l'équipement s'est installé à La Défense, le ministère des finances a déménagé à Bercy. Seuls le ministère de la défense et le ministère de l'éducation nationale résistent, feignent de ne pas comprendre et veulent continuer à concentrer leur logistique humaine dans le centre de Paris.
La décision d'installer l'état-major de l'armée de terre dans cette école bloque toute réflexion et toute décision ultérieure concernant l'axe Breteuil-Trocadéro, en passant par la tour Eiffel, le Champs-de-Mars, l'École militaire, pour terminer sur la place de Fontenoy, axe historique qu'il faut transmettre aux générations futures dans un devoir de mémoire et de culture.
Souvenons-nous que, à son époque, André Malraux avait déjà obtenu le départ opérationnel de l'armée de l'hôtel des Invalides afin de le transformer en un lieu de culture et de mémoire militaire.
Madame la ministre - et, à travers vous, madame la ministre déléguée, je m'adresse à Mme Alliot-Marie -, vous êtes attachée à la défense européenne, que vous avez su faire évoluer de façon pragmatique et efficace. À l'heure actuelle, l'école militaire dispense un enseignement supérieur militaire, au sein d'un pôle d'enseignement supérieur et de recherche. Pourquoi ne pas en faire une grande école européenne de défense ? Une telle école manque en Europe ! Redonnez à cette école sa vocation d'origine, qui était de « donner au pays un esprit militaire et de défense à une élite qui a façonné le pays » ! Il y a deux siècles, elle formait les jeunes nobles pauvres. Napoléon en a profité.
Aujourd'hui - et vous vous êtes battue pour qu'il en soit ainsi - le développement de la défense européenne est un élément important de la construction européenne. Accompagnez ce mouvement en développant l'idée d'une éducation européenne des jeunes élites militaires de tous les pays d'Europe et en faisant de cette école militaire une grande école européenne !
Pour répondre à l'évolution de l'urbanisation administrative, pourquoi ne pas réfléchir à un Pentagone à la française, à la périphérie ou à l'extérieur de Paris ? L'armée de terre a des possibilités foncières ; je pense aux réserves de Versailles-Satory, où vingt-deux hectares sont disponibles, ou à celles de Montléry, sans même parler de Vincennes ou de Balard.
Afin de permettre à cette école d'être à la hauteur du rôle historique qu'elle doit continuer de jouer, aurez-vous le courage, madame la ministre, de revenir sur cette décision et de ne pas cautionner les décisions de votre administration qui ne souhaite pas quitter le centre de Paris, peut-être pour des raisons de convenances personnelles ?