Intervention de Igor Delanoë

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 22 février 2017 à 10h10
Auditions sur la russie : M. Arnaud duBien directeur de l'observatoire franco-russe Mme Isabelle Facon maître de recherche à la fondation pour la recherche stratégique pôle russie-eurasie et M. Igor delaNoë directeur adjoint de l'observatoire franco-russe

Igor Delanoë :

Un complément sur la Chine. Dans la relation bilatérale avec la Russie, il demeure certains non-dits, dont celui du nucléaire. La Chine n'est liée par aucune limitation de son arsenal, ce qui crée un déséquilibre que la Russie tente de compenser en mettant en place de nouveaux systèmes, comme son fameux train nucléaire, susceptible de sillonner le continent nord asiatique pour répondre à une menace éventuelle de la Chine.

On voit aussi, s'agissant de la menace de sortie du traité sur les forces nucléaires intermédiaires, que nous ne sommes pas seuls concernés : que la Russie puisse déployer des systèmes d'une portée comprise entre 500 à 5 500 kilomètres concerne aussi la Chine.

Ce qui m'amène à la question du désarmement : l'un des problèmes tient au bouclier anti-missile américain, dont arguent les Russes pour expliquer, entre autres, la militarisation en Mer noire. Dans ce jeu, l'essai balistique iranien qui a eu lieu il y a quinze jours n'est pas fait pour apaiser.

Sur la question de la modernisation de l'armée russe, je suis tenté d'imputer les évolutions à celles de la conflictualité dans les zones où l'armée russe pourrait être amenée à intervenir. Outre ce qu'elle perçoit comme une ingérence armée de l'Occident au Moyen-Orient, je pense à la multiplication des petits conflits locaux, comme le conflit de 2008 en Géorgie.

L'Otan est certes perçue comme une menace, mais on sait que ses forces n'interviennent que lorsqu'elle est en situation de supériorité aérienne. La réponse russe consiste donc à déployer des systèmes anti-aériens pour créer un environnement difficile à sa flotte. On le voit en Baltique, en Syrie, en mer Noire.

S'agissant des armements que l'on a vu déployer en Syrie, il est vrai qu'ils témoignent d'un réel saut qualitatif, qu'il s'agisse des missiles Kalibr ou des drones - qui ont beaucoup progressé grâce à la coopération avec Israël - utilisés pour des missions de renseignement avant et après les frappes. Une guerre, en somme, à l'occidentale, comparable à ce que l'on a pu voir, dans le Golfe, au cours des années 1990, avec le déploiement de missiles de croisière et, plus récemment, avec les drones. La Russie a ainsi déployé S-400, batteries de Bastion, chasseurs Su-34 en rotation, etc. Bref, on a assisté à une véritable démonstration de l'arsenal russe. Le rayon d'action des missiles Kalibr, par exemple, s'étend sur l'Asie centrale, le Caucase, une partie de l'Europe orientale et du Moyen-Orient.

Le souci de rattrapage technologique avec les Etats-Unis ? Les Russes n'oublient pas que la course aux armements a abouti à l'effondrement de l'URSS, même s'il est clair qu'ils ont besoin de maintenir une parité relative dans certains domaines stratégiques, considérés comme des enjeux de sécurité nationale.

Sur les politiques européennes de voisinage et les conflits gelés, j'observe que les crispations portent sur l'espace de la mer Noire, que la Russie considère comme un espace cohérent. De fait, c'est là que se situent les conflits gelés - Transnistrie, Abkhazie, Ossétie du Sud, Haut-Karabagh. S'agissant de ce dernier conflit, je rejoins Arnaud Dubien : personne n'a intérêt à le voir reprendre, car ce serait la porte ouverte à l'intervention de l'Otan et de l'Union européenne, jugés indésirables dans la zone tant par les Russes, les Turcs que les Iraniens. L'idée est donc de maintenir une instabilité contrôlée, pour prévenir la poussée de l'influence occidentale. Cela vaut aussi pour la Géorgie, au sujet de laquelle je note cependant qu'y compris du temps où Mme Clinton était secrétaire d'Etat, on poussait les autorités géorgiennes à normaliser leurs relations avec la Russie, pour éviter un nouveau conflit.

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