Intervention de Corinne Imbert

Mission d'information situation psychiatrie mineurs en France — Réunion du 25 janvier 2017 à 14h35
Audition du docteur anne laure sutter-dallay responsable de l'unité fonctionnelle réseau de psychiatrie périnatale du pôle universitaire de psychiatrie adulte du centre hospitalier charles perrens du professeur bruno falissard pédopsychiatre et biostatisticien de M. Franck Von lennep directeur et mmes nathalie fourcade sous directrice de l'observation de la santé et de l'assurance maladie et valérie ulrich cheffe de la mission recherche de la direction de la recherche des études de l'évaluation et des statistiques drees

Photo de Corinne ImbertCorinne Imbert, présidente :

Si nous avons souhaité vous entendre conjointement, c'est pour aborder une question centrale pour notre mission d'information sur la prise en charge des troubles psychiatriques des mineurs qui est celui de l'épidémiologie et des connaissances statistiques sur les prises en charge. Sur ces deux points, il semble que le niveau d'incertitude soit plus important que pour d'autres disciplines du fait notamment d'une réticence de certains praticiens à fournir des chiffres pour éviter toute stigmatisation de telle ou telle population.

L'épidémiologie est cependant au coeur de toute politique de santé publique, de même que les statistiques de la Drees sont un élément essentiel pour le bilan que l'on peut faire des politiques menées, des réussites, comme des besoins.

Je vous cède donc la parole pour un bref propos introductif à la suite duquel le rapporteur, Michel Amiel, puis les autres sénateurs présents, vous poseront des questions. Je rappelle que cette audition est ouverte au public et à la presse.

Professeur Bruno Falissard, pédopsychiatre et biostatisticien. - Je tiens à préciser mes conflits d'intérêts : je suis consultant en méthodologie des statistiques pour la plupart des firmes pharmaceutiques et je m'occupe de l'association internationale de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. J'ai donc un lien d'intérêts très fort avec ma spécialité clinique.

Vous nous avez demandé de quels éléments nous disposons sur la prévalence des maladies psychiatriques chez les mineurs en France. De fait, nous avons des informations assez précises sur la prévalence des maladies mais pas sur celle des malades. C'est la même chose pour la plupart des maladies ayant un phénotype dimensionnel. A peu près la moitié d'entre nous avons des signes cliniques et radiologiques d'arthrose du genou, le plus souvent sans le savoir. Il ne s'agit donc pas d'un problème de santé et la société n'a pas à le prendre en charge. C'est la même chose pour les problèmes psychiatriques. La prévalence des maladies psychiatriques dans la plupart des pays occidentaux, à l'exception des addictions, est à peu près constante. Nous avons des données de grande qualité, chaque pays a réalisé une grande étude pour une maladie donnée. En ce qui concerne les addictions, l'observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT) produit lui aussi des données de grande qualité. Avoir des données sur les malades est beaucoup plus compliqué. Cela renvoie d'ailleurs à la définition de ce qu'est un malade.

L'apport des études de cohorte dans la mesure de la prévalence des maladies est nul. Ces études ne servent pas à cela. Pour mesurer la prévalence, il faut des études transversales répétées. Les cohortes permettent d'avoir des trajectoires de soins.

Vous nous avez également demandé si le profil des pathologies psychiatriques au sein de la population, en particulier des mineurs, a évolué au cours du temps. L'évolution observée est essentiellement liée aux instruments de mesure, par exemple en ce qui concerne l'autisme. La question se pose de savoir si les troubles du comportement alimentaire ont augmenté. C'est vraisemblable. Mais les données ne montrent qu'une augmentation mineure et on peut donc dire que la plupart des pathologies psychiatriques chez les enfants et les adolescents sont stables.

Les études épidémiologiques permettent-elles de faire des hypothèses sur les causes et/ou les éléments déclencheurs de ces troubles ? Je milite pour l'abandon du mot « cause » en épidémiologie analytique car il est trop chargé de culpabilité et a amené beaucoup de déboires dans le passé. Il existe tellement d'éléments déclencheurs, qui sont en interaction, qu'il est en fait très difficile d'avoir une action de santé publique sur ces éléments, à l'exception de quelques-uns d'entre eux comme par exemple les actes de violence dans l'environnement des enfants en bas âge.

Dispose-t-on d'éléments sur l'évolution dans le temps des troubles psychiatriques des malades ? Nous disposons de données assez solides à partir d'études de cohorte qui montrent que l'on passe de l'anorexie à la boulimie, d'un état dépressif à un trouble bipolaire. Ces données participent à un étayage des pathologies psychiatriques, contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent.

Pour améliorer la prise en charge psychiatrique des mineurs, il faudrait tout d'abord arrêter la déqualification des professionnels que l'on observe en ce moment et qui est une catastrophe sanitaire. Il faut ensuite un socle commun de connaissances entre tous les acteurs car la pédopsychiatrie est un soin pluriel, qui mobilise beaucoup d'intervenants, des enseignants aux psychiatres. Il faut un vocabulaire commun qui n'existe pas aujourd'hui. Cela passe par la formation. Il faut enfin une réorientation des tâches des uns et des autres. Par exemple, beaucoup de pédopsychiatres ont une activité de psychothérapie. Je ne suis pas sûr que cela soit raisonnable. Dans la plupart des pays du monde, les pédopsychiatres peuvent avoir une activité de psychothérapie à la marge mais certainement pas en coeur de métier.

En ce qui concerne la recherche en France dans le domaine de la santé et de la médecine, c'est normalement l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) qui est concerné. De fait, à l'exception de la génétique de l'autisme qui ne sert globalement à rien sauf pour prendre la décision de réaliser une interruption thérapeutique de grossesse lorsque celle-ci est à risque, ce qui est respectable, les résultats des travaux des neurosciences au cours des vingt dernières années n'ont eu aucun impact sur la prise en charge des enfants. C'est un constat. Il faudrait investir l'argent public dans des choses qui servent aux patients. Dans l'immédiat, il faudrait pouvoir évaluer les psychothérapies, savoir quelles sont les pratiques de nos collègues en France. Celles-ci sont-elles conformes à des recommandations nationales ou internationales, plus ou moins valides mais qui existent ? Il faudrait voir l'évolution des patients en fonction de l'utilisation de tels ou tels soins.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion