Intervention de Michel Amiel

Mission d'information situation psychiatrie mineurs en France — Réunion du 25 janvier 2017 à 14h35
Audition du docteur anne laure sutter-dallay responsable de l'unité fonctionnelle réseau de psychiatrie périnatale du pôle universitaire de psychiatrie adulte du centre hospitalier charles perrens du professeur bruno falissard pédopsychiatre et biostatisticien de M. Franck Von lennep directeur et mmes nathalie fourcade sous directrice de l'observation de la santé et de l'assurance maladie et valérie ulrich cheffe de la mission recherche de la direction de la recherche des études de l'évaluation et des statistiques drees

Photo de Michel AmielMichel Amiel, rapporteur :

Et sur les outils d'évaluation ?

Pr Bruno Falissard. - C'est une question qui revient souvent. L'un de nos ministres avait dit il y a quelques années que la souffrance psychique ne se mesure pas et qu'on ne peut donc pas évaluer les psychothérapies. Il est vrai qu'on ne peut pas mesurer la souffrance psychique d'un point de vue philosophique. Mais en pratique c'est possible. En ce qui concerne l'enfant, on est en présence du regard des parents, de l'enseignant, de l'enfant et du soignant. On sait statistiquement que ces quatre regards peuvent avoir des corrélations très faibles. Mais cela contribue à la complexité du tableau clinique. Par exemple, un enfant dépressif peut être vu comme tel uniquement à la maison et donc pas à l'école. C'est la réalité clinique de la dépression. Nous avons aujourd'hui un arsenal d'évaluations qui sont même compatibles avec des théories psychanalytiques. Il y a eu des essais randomisés de thérapies psychanalytiques, y compris de méta-analyses, qui montrent que c'est efficace. Donc la page a été tournée.

Docteur Anne-Laure Sutter-Dallay, responsable de l'unité fonctionnelle, réseau de psychiatrie périnatale du pôle universitaire de psychiatrie adulte du centre hospitalier Charles Perrens. - Je suis d'accord avec les développements du Professeur Falissard. Je m'occupe plus spécifiquement de la santé mentale périnatale.

En ce qui concerne la prévalence des maladies psychiatriques chez les mineurs, il faut bien prendre en compte le fait qu'un enfant évolue. Il y a la perspective développementale, en distinguant les troubles des 0-3 ans, des 3-6 ans, des 6-12 ans et des adolescents. Nous disposons d'un assez grand nombre d'éléments sur la prévalence des troubles chez les enfants à partir de 6 ans. Mais en ce qui concerne les troubles de l'attachement, les troubles du développement précoce, les pathologies du sommeil ou encore les pathologies interactives, il manque des données consistantes. Il en va de même pour la question de savoir ce que deviennent ces troubles chez les enfants par la suite.

Les études de cohorte nous éclairent beaucoup sur les facteurs qui peuvent interagir sur le déclenchement des troubles. Ce sont des choses difficiles à évaluer mais grâce à des cohortes intéressantes qui permettent un suivi longitudinal des enfants, on pourra mieux connaître les facteurs de risque.

Les troubles psychiatriques évoluent avec le temps et avec la société. Il est très difficile de mettre en évidence les interactions de la société sur le développement des troubles, l'effet de la qualité des soins qui évolue et des diagnostics qui sont de meilleure qualité. Ces facteurs influencent forcément les résultats des études.

Il faut prendre en compte la place des parents et celle des pathologies mentales des parents sur le développement des enfants et la survenue des troubles, du tout-petit à l'adolescent, quelles que soient les études. La santé mentale des parents est primordiale dans le développement des enfants, y compris pour les jeunes adultes. Les études tendent à montrer que les familles monoparentales auraient plus de difficultés. Cela renvoie à l'importance du soutien à la parentalité, du début de la vie à l'adolescence et après.

Le retard de diagnostic des pathologies psychiques est avéré chez l'adulte, notamment pour les troubles de l'humeur. Chez les enfants, c'est peut-être moins évident, il y a aussi la notion de symptôme à recadrer dans la notion de développement puis de pathologie avérée. On parle facilement de pathologie pour les troubles neuro-développementaux. C'est plus compliqué à mesurer pour les autres troubles, le retard de diagnostic étant aussi lié aux difficultés des parents à amener leurs enfants aux soins. Le recours à la psychiatrie reste très stigmatisant.

En ce qui concerne les troubles plus légers, il faudrait pouvoir partager un socle de connaissances communes et de savoir-faire avec les pédiatres et avec les médecins généralistes. En psychiatrie périnatale, nous sommes très en lien avec les sages-femmes, les puéricultrices de la protection maternelle et infantile (PMI). Elles sont nos premiers interlocuteurs. On essaie de les former au fil du temps et des avancées du travail en commun. Elles ont vraiment besoin d'aide au même titre que les pédopsychiatres ont besoin de formations sur l'approche sociale, les moyens d'activer un travailleur social etc., aspects qui ne font pas nécessairement partie de la formation initiale.

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