Je vous remercie de me recevoir en ce lieu. Dans un premier temps, je vais tenter de répondre aux questions que vous m'avez fait parvenir.
La première concernait les composants et matériaux que l'on trouve dans les téléphones portables. Se borner aux téléphones portables est quelque peu réducteur ; mieux vaut élargir notre réflexion à l'ensemble des appareils nomades, comme les tablettes ou les ordinateurs portables qui sont tous constitués d'une batterie, d'une carte électronique, d'un écran et sont contenus dans un caisson en plastique. En disant cela, je viens d'ailleurs de vous donner les grandes composantes d'un téléphone portable.
Quels sont donc ses composants ? Débutons notre description par une caisse plastique autour d'un appareil. Ces plastiques qui sont la plupart du temps des acrylonitriles butadène styrène (ABS) ou des époxy, soit des ensembles de plastiques, qui contiennent des retardateurs de flamme bromés en quantité assez importante. On retrouve également du brome dans les cartes électroniques.
Un travail de recherche a été conduit, il y a quelques années, sur la possibilité de recycler complètement un téléphone portable : le recyclage de ces plastiques est pratiquement impossible, leur destruction ou leur utilisation pour faire de l'énergie posant problème. La présence de brome rend difficile le traitement de ces plastiques en raison des émanations gazeuses qu'engendre le brome. Les plastiques bromés se retrouvent dans de nouveaux produits car le brome est un excellent ignifugeant : les plastiques bromés doivent être séparés. Ils ne sont pas recyclables et finissent soit en incinération, ce qui ne devrait normalement pas être le cas, soit en enfouissement. À cet égard, leur enfouissement génère notamment, avec leur détérioration, des organiques du brome. Il s'agit donc de produits qui sont, en termes de décomposition, dangereux à long terme. Il est donc indispensable de mettre en place une filière propre de destruction de ces plastiques. Le développement d'une technologie de récupération ou de recyclage du brome permettant d'éviter sa diffusion dans l'atmosphère, est l'un des enjeux du traitement global non pas seulement du téléphone portable, mais de tout ce qui en est connexe. Notre société a d'ailleurs travaillé sur la captation du brome et son recyclage et ces questions font l'objet de programmes de recherche-développement.
Outre les plastiques, il convient d'aborder les batteries qui sont généralement au lithium et dont le démantèlement devrait être séparé. Or, dans un Ipad, la batterie est soudée. On estime ainsi que 10 % des batteries qui restent attachées soit à leur téléphone, soit à leur plaquette ou tablette. Ces batteries, passées au broyeur, prennent feu. D'un point de vue industriel, il convient de mettre en oeuvre des techniques ignifugeantes. Une fois ces batteries démontées, celles-ci contiennent, outre du lithium, du cobalt, qui est un métal stratégique, et des contacts en or. Le lithium n'est pas encore classé dans les métaux stratégiques, mais il le deviendrait si les voitures électriques venaient à s'équiper, de cette façon intense, de cette technologie. À ce stade, le futur des véhicules électriques reste encore mal défini : on ne sait si les batteries au lithium ou les technologies hydrogènes seront, à l'avenir, privilégiées. Des technologies alternatives existent. Si le lithium s'imposait, il faudrait prévoir son recyclage. Or il n'y pas, pour l'heure, de recherche dynamique dans ce domaine.
Il y a ensuite les cartes électroniques, qui contiennent l'essentiel des métaux stratégiques d'un téléphone. Ces cartes pèsent entre 15 et 20 grammes et représentent près d'un tiers du poids d'un téléphone portable, de 15 à 20 % d'une tablette et de l'ordre de 10 % d'un écran plat de grande taille.
Ces cartes contiennent un substrat de résine époxy résultant de l'enchaînement de bisphénols les uns aux autres. On trouve également des retardateurs de flamme qui sont à nouveau du brome, ainsi que du trioxyde d'antimoine. Cette résine représente environ 30 % du poids de la carte. La carte comprend également des fibres de verre, qui représentent également 30 % des composants et le reste est composé de métaux.
Parmi les métaux, le cuivre peut représenter entre 15 et 20 % du poids de la carte, et dans les masses, on trouve du fer, notamment pour les vis, de l'aluminium, utilisé pour les radiateurs, ainsi que des métaux en traces ou utilisés pour les soudures, comme l'étain et le plomb. L'étain est d'ailleurs assez important puisqu'il représente quelque 3 % d'une carte électronique et le plomb, qui aurait cependant dû disparaître des téléphones portables. On retrouve cependant dans la plupart des appareils électroniques des soudures au plomb qui devrait disparaître de la composition des téléphones portables. Ces cartes sont fabriquées en Asie du Sud-Est et personne ne vient contrôler leur teneur en plomb. Il est plus aisé de réaliser des soudures avec ce matériau qu'avec d'autres alliages qui réclament, quant à eux, des températures plus élevées !
On trouve également d'autres métaux intéressants, comme l'or - on peut en trouver jusqu'à un kilo par tonne de cartes -, l'argent - autour de deux à trois kilos par tonne -, du palladium, reconnu comme métal stratégique et présent à hauteur de quatre-vingts grammes par tonne, et enfin du tantale, autre métal stratégique que l'on trouve dans les très petits condensateurs. Plus les appareils sont fins, plus ils contiennent du palladium ou du tantale qui peut être présent jusqu'à dix kilogrammes par tonne. Il s'agit de quantités importantes.
On trouve enfin d'autres métaux en traces, puisque certains alliages sont composés d'un peu de nickel et permettent de faire de l'acier ou de l'inox. On ne trouve d'autres métaux, comme le galium ou le germanium, que sous forme de traces. Ainsi, l'émetteur à hautes fréquences d'un téléphone portable est composé de minuscules quantités de gallium.
Ce sont des quantités de métal à des niveaux extrêmement élevés, comparés à ceux que l'on trouve dans les mines. Ainsi, en Afrique de l'Ouest, on exploite des mines d'or avec des rendements de moins d'un gramme par tonne. On se situe ainsi dans des teneurs plusieurs centaines de fois plus élevées, comme pour l'argent, le palladium ou encore le tantale. On parle à bon escient de « mines urbaines ».
L'écran est le dernier composant : il comprend du verre à la fois destiné à la protection et à la fabrication de l'écran plat. Ces verres ne sont pas en soi très intéressants à recycler, à la différence des bouteilles. On trouve cependant sur ceux-là un glaçage d'oxyde d'indium-étain (ITO) en surface. On trouve également, dans le rétro éclairage de l'écran, des LED qui contiennent de l'épitaxie d'arséniure de gallium, qui sont des traces infimes, de l'ordre de quelques atomes, ainsi que des pigments qui sont des terres rares, à savoir des luminophores, qui ne sont certes pas parmi les plus recherchées.
Pour résumer, un téléphone portable comprend des composants relativement désagréables, comme les organiques et la présence de brome. Il n'y a certes pas d'arsenic ni de mercure. S'y trouve du plomb en quantité faible, qui est appelé à disparaître. Il contient aussi des métaux qui demeurent valorisables et sont très intéressants. Comme ce sont des matériaux extrêmement riches, on peut les collecter et les recycler de façon extrêmement avantageuse. Encore faut-il s'organiser pour le faire !