Je ne suis pas le mieux placé pour aborder ce sujet, puisque le GHT est un dispositif obligatoire pour les établissements publics. Le GHT, tel qu'adopté à l'article 116 de la loi de modernisation, suscite notre interrogation à deux égards : d'une part, il est centré sur le service public et sa gouvernance tend à prendre en compte les acteurs essentiellement publics. On ne peut par conséquent en faire l'outil du pilotage territorial puisque d'autres composantes importantes, comme la médecine de ville, le secteur privé non lucratif ou encore le secteur privé à statut commercial, n'y figurent pas, bien qu'ils pourraient y participer si les GHT ne se limitaient pas au seul secteur public comme la loi en a disposé. D'autre part, l'expérience montre que la pression sur l'utilisation des ressources fait que les soins aigus et immédiats absorbent les marges de manoeuvre des agences régionales de santé au détriment parfois des investissements de santé publique de plus longue échéance en psychiatrie et dans la santé mentale. Les acteurs ont ainsi observé que les financements consacrés à la psychiatrie et à la santé mentale ont été régulièrement écornés pour financer des soins somatiques et de court-séjour. La communauté des acteurs publics et privés s'est accordée sur une dimension plus ouverte au champ médico-social, à la parole des usagers et des entraides qui se font jour au sein des communautés psychiatriques de territoires qui ne sont pas antinomiques avec la logique de fédération publique des GHT, mais qui demeurent cependant plus ouvertes à la participation des différents acteurs. Je pense néanmoins que les acteurs de statut public sont les plus à même de parler des GHT.
Docteur Gilles Moullec. - La question des GHT spécialisés a pu se poser comme le Sénateur Amiel le sait. Il faut se garder d'une certaine forme de systématisme, puisque certains territoires peuvent accueillir un GHT, tandis que d'autres en sont dépourvus. Je prendrai l'exemple des Bouches du Rhône où sont implantés trois établissements spécialisés en psychiatrie. Leur regroupement semblait relever d'une démarche rationnelle. Cependant, créer un GHT spécialisé en psychiatrie ne saurait induire la fin des relations avec les établissements somatiques. Il faut des membres associés qui soient notamment des établissements MCO. Il faut garder une cohérence territoriale. Ainsi, dans les Bouches-du-Rhône, le refus de l'un des trois établissements de se regrouper a entraîné la création d'un établissement départemental polyvalent. Pour qu'un tel établissement soit opérationnel, il lui faut individualiser la filière psychiatrique santé mentale comme prioritaire ; ce qui est, du reste, généralement le cas. A l'intérieur de cette filière prioritaire, il conviendrait également d'individualiser la filière consacrée à la psychiatrie des mineurs. Il ne fait pas oublier, non plus, le rôle des conseils locaux de santé mentale qui restent un levier puissant pour fédérer les acteurs en raison du pouvoir de convocation du maire.
La question de l'adolescence est centrale pour les urgences. Comme l'a souligné M. David Causse, trop de lits destinés à l'accueil des adolescents ont été fermés. Ces lits doivent se trouver à proximité des urgences générales. Pour bien fonctionner en termes de lits d'urgence ou de crise, il faut que ces petites structures, avec une densité importante de personnels financés, puissent fonctionner avec des durées de séjour très courtes, de l'ordre d'une semaine, à la condition que le réseau périphérique fonctionne lui aussi très bien. Lors de l'admission de ces adolescents dans l'unité, il faut ainsi anticiper le mode de sortie. Un gros travail d'articulation doit être conduit avec les différents partenaires, afin d'éviter que les unités de crise ne fonctionnent comme des unités d'hospitalisation classique dont les adolescents ne parviennent pas à sortir. L'urgence n'est pas dissociable de la problématique du réseau.