Vous avec abordé l'intervention précoce. Je pense qu'elle comprend les deux aspects que sont le diagnostic et le parcours de soins. Il est important de souligner qu'ils sont mêlés car parfois un diagnostic précoce est établi mais sans être suivi de parcours de soins, ce qui est très grave.
Je fais partie des parlementaires qui pensent que chacun ne doit pas outrepasser son rôle. En tant que personnel politique nous n'avons pas à nous mêler de choix de thérapies. Notre société, depuis longtemps, pousse en même temps à des choix binaires. On entend aujourd'hui des patients se déchaîner et mettre la psychanalyse au panier en matière d'autisme alors qu'hier elle était encensée. Ces schémas ne sont pas bons, y compris pour les troubles « dys », qu'il s'agisse de dyslexie, dysorthographie ou dyscalculie. Je crois beaucoup aux équipes pluridisciplinaires, notamment pour des troubles assez légers qui vont assez vite disparaître.
Mais je suis inquiète car, selon la réponse apportée par les parlementaires, y compris dans le sens que je préconise, les troubles « dys » vont être traités selon la logique binaire que je dénonce. Ils vont donc se retrouver intégralement dans le domaine de la psychiatrie ou intégralement dans un autre domaine. Gardons-nous de ces classifications hâtives et restons dans la mesure et dans l'échange. Faisons confiance aux professionnels.
Pouvez-vous, en vous basant sur votre expérience en matière d'IME, entre autres, nous renseigner sur les enfants victimes de troubles ou de souffrances psychiatriques et qui ne trouvent pas d'établissements adéquats ? Faut-il des établissements spécialisés ou des établissements aux compétences plus larges, comme en Belgique ?
Je pense que les questions d'articulation soulèvent le problème du lien avec le milieu scolaire. Quelques difficultés sont rencontrées par les professionnels pour recevoir leurs petits patients pendant le temps scolaire afin qu'ils suivent telle ou telle thérapie. C'est a fortiori le cas avec l'actuel plan vigipirate.
Docteur Catherine Lacour-Gonay. - Nous savons aussi qu'un lien est indispensable entre diagnostic et parcours de soin. À quoi bon diagnostiquer si on ne soigne pas ? C'est en ce sens que la SFPEADA a organisé un séminaire pour essayer de réfléchir à cette question au-delà des problèmes de listes d'attente qui retardent les prises en charge. Dans une réflexion conjointe avec la Direction générale de la santé (DGS), on s'est donc demandé comment établir des priorités entre les situations à partir des tranches d'âge. Il convient de réfléchir avec un « niveau 1 » correspondant au repérage, un « niveau 2 » qui serait le diagnostic et un « niveau 3 » qui correspondrait à l'adressage à des centres ad hoc. Pour les 0-6 ans, les CAMSP seraient pressenties et les maisons des adolescents (MDA) le seraient pour les 11-20 ans. Je souligne au passage les problèmes de financement des MDA car il existe une grosse disparité dans leurs montages financiers respectifs, en fonction des territoires concernés. Il conviendrait de réfléchir afin de garantir la pérennité de ces MDA. Nous avions, enfin, pensé organiser une plateforme territoriale d'appui en santé mentale adossées aux CMP pour les 6-11 ans. Les CMP pourraient y avoir une action forte et prendre prioritairement en charge les enfants dans toutes les missions, qu'il s'agisse de troubles de l'apprentissage ou des enjeux narcissiques, par exemple.
Professeur Michel Wawrzyniak. - Je vous ai transmis ce matin un document qui retrace une proposition permettant d'articuler autour de cette plateforme territoriale en santé mentale. Cette plateforme est une sorte de maison de l'enfance portée sur les troubles psychiques et psychiatriques des 6-11 ans. Elle serait la cheville ouvrière entre trois niveaux. Le premier niveau serait constitué par les familles, l'école et les psychologues scolaires, la protection de l'enfance, les PMI, les médecins traitants et les psychologues libéraux. Il serait en contact permanent avec le niveau 2 qui est celui de la plateforme. Elle serait la formatrice du niveau 1 mais l'accompagnerait également dans une démarche de prévention et de coordination et destinerait aux CMP et CMPP les cas complexes. Cela faciliterait aussi la formation des CMP dont on a pu dire qu'ils sont lents à réagir et pas toujours spécialisés sur certaines problématiques. Ces plateformes permettraient d'y former des professionnels sur des questions bien précises. Une proposition qui émane d'un séminaire que nous avons tenu en décembre va en ce sens. Elle pourrait être soutenue par la DGS comme s'appuyant sur ce modèle-là.
Cette remarque répond à la question du parcours de soins posée par le rapporteur. Ce parcours de soins se trace le long d'un parcours de vie. L'articulation entre le sanitaire et le médicosocial dont je parlais et que j'appelle de mes voeux est un grand chantier. Il n'est pas simple au niveau des Agences régionale de santé (ARS) car même si elles gèrent sanitaire et médicosocial, il existe encore deux filières distinctes. Il serait donc bon qu'une réflexion soit menée au sein des administrations centrales.
Le problème des places dans les établissements spécialisés ne concerne pas seulement les IME mais aussi les instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques (ITEP). Les ITEP doivent permettre de prendre en charge les enfants qui présentent des troubles du comportement sans problème majeur de maladie psychiatrique chronique, ou de troubles cognitifs. Mais dans grand nombre de territoires, les ITEP manquent de places. Je ne sais cependant pas comment on peut organiser des diagnostics territoriaux précis pour répondre à la question de la psychiatrie des mineurs et des besoins qu'elle engendre. Je vous transmettrai à ce sujet une lettre de l'API par laquelle nous tentions, en 2014-2015, d'analyser les statistiques disponibles. Si je ne sais pas sous quelle forme il doit intervenir, je pense néanmoins que ce diagnostic territorial est nécessaire, qu'il devrait s'appuyer sur les conseils locaux de santé mentale et qu'il conviendrait de sensibiliser les élus locaux aux questions de psychiatrie des mineurs. Ils sont, en effet, de plus en plus sensibilisés aux questions de psychiatrie des adultes, mais pas forcément à celles des mineurs.
Les ARS devraient avoir les moyens de les mettre en oeuvre. Une des 10 propositions de nos états généraux est que les pédopsychiatres, les services de pédopsychiatrie, CMPP compris, puissent coordonner les projets thérapeutiques dans un parcours de soins. Il n'est pas évident de trouver un consensus autour de cette idée mais force est de constater qu'à l'heure actuelle, l'enfant est parfois découpé en morceaux qu'il est difficile de rassembler. Pour nous, l'enfant est un sujet entier que l'on essaie de soigner dans sa globalité. Or, la classification nord-américaine des maladies mentales (DSM) « saucissonne » les sujets en troubles dont les soins reviennent à autant de spécialistes et de secteurs. Néanmoins, on se rend compte que la question des comorbidités est centrale. Nous ne sommes jamais face à un trouble des apprentissages isolé mais aussi face à un contexte familial, affectif, particulier, face à des éléments dépressifs ou autres. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de coordonner un projet thérapeutique et que cette coordination devrait revenir aux pédopsychiatres.