Vous avez cité les ITEP. Il se trouve que j'ai présidé un conseil d'administration d'ITEP pendant 17 ans. On recevait dans cet établissement des enfants qui n'avaient rien à y faire. 25 % d'entre eux étaient sous neuroleptiques. On recevait également des enfants que la justice nous confiait, faute d'autres solutions. Les ITEP sont des établissements qui ont toute leur place dans la prise en charge des mineurs mais il ne faudrait pas qu'ils soient dévoyés. Ce n'est absolument pas le sens de votre propos mais je profite que vous abordiez le sujet pour préciser ce point. Je pense que le monde politique doit ici définir ce que doit être un ITEP. Une audition spécifique sera menée par notre mission sur le sujet.
Docteur Catherine Lacour-Gonay. Nous parlions d'articulation. Un ITEP peut correspondre, pour un enfant, à un moment donné de son parcours de soins avant qu'il ne regagne une structure dite normale. L'important est qu'un référant soit conservé au long du parcours de soins. Nous essayons de prioriser des situations pour être efficient dans la coordination des soins car il est essentiel de prévenir une rupture dans les prises en charge.
Nous n'avons pas abordé le thème de l'hospitalisation que Roger Teboul connaît bien pour les enfants et les adolescents. Les établissements sont peu nombreux mais il s'agit de solutions nécessaires. Les lits « d'ado-public » ont fermé en Seine-et-Marne sans que je ne comprenne vraiment pourquoi. Cela crée un vrai manque. Un parcours de soins nécessite une pluralité de lieux qui doivent être articulés avec cohérence au profit des enfants ou adolescents en ayant besoin.
J'ai apprécié l'intervention de Mme Cohen sur les enjeux des aménagements de scolarité pour permettre le soin. Le projet d'accueil individualisé représente un cadre pour permettre le soin en allégeant la scolarité. Les structures sanitaires peuvent être partenaires de ces projets au même titre que les familles et les équipes éducatives. J'organise un centre d'accueil thérapeutique à temps partiel où les adolescents viennent 2 heures une à 3 fois par semaine et poursuivent une scolarité normale. Des outils existent pour mettre en oeuvre ces aménagements et je crois vraiment qu'il faut les utiliser.
Docteur Patrick Belamich.- En tant que clinicien, la question des centres de diagnostic me parait aujourd'hui un peu aberrante. Il s'agit de centres dont les coûts sont importants puisque les enfants y sont hospitalisés plusieurs jours mais, à leur sortie, ces enfants sont abandonnés dans la nature ! On leur demande d'aller prendre contact avec un CMP ou un CMPP en leur indiquant qu'ils y auront un certain nombre de séances de soins par semaine sans pour autant que ces centres soient informés. Cela ne va pas du tout !
En tant que clinicien également, je ne peux pas opérer de différence entre diagnostic et parcours de soins pendant un laps de temps parfois long. Il est très difficile, lorsque l'on reçoit un enfant, de poser d'emblée un diagnostic. Il me faut du temps et parfois les choses évoluent pendant le temps dédié au diagnostic. Je peux me rendre compte que mon impression initiale était erronée. Les choses sont complexes et il est donc important que ce soit la même équipe qui soit partie prenante dans les deux opérations.
Je souhaiterais que vous abordiez le thème de l'urgence en pédopsychiatrie et le problème de la fermeture des lits. Pour l'avoir vécu dans mon département, je sais que lorsque l'urgence arrive on se sent démuni.
Docteur Roger Teboul. - Une réflexion devait démarrer à l'ARS d'Ile-de-France sur la question des urgences pédopsychiatriques. Responsable d'une unité d'hospitalisation psychiatrique pour adolescents, je devais faire partie du groupe de travail. Je ne sais pas précisément ce qu'il en est dans les autres départements mais je sais qu'en Seine-Saint-Denis, ces urgences ne sont pas si fréquentes. On s'oriente vers l'existence d'un seul service qui, dans toute l'Ile-de-France, accueillerait 24 heures sur 24. Il s'agirait de celui du Kremlin-Bicêtre. Il faut noter qu'une garde coûte très cher, aux alentours de 100 000 euros par an. Les hôpitaux y ont donc recours avec précaution. Il est, en revanche, possible de s'appuyer, comme on le fait à Montreuil, sur les urgences pédiatriques assorties d'éventuelles astreintes téléphoniques de pédopsychiatres. Il est aussi possible de s'appuyer sur une organisation de liaison afin que des pédopsychiatres puissent tous les jours passer et orienter les enfants et adolescents dans les services de pédiatrie. Le cas des tentatives de suicide d'enfant ou, plus fréquemment d'adolescent est spécifique. On essaye d'hospitaliser les adolescents au moins une semaine dans un service de pédiatrie pour éviter la stigmatisation.
Je pense que la question des urgences pédopsychiatriques doit être réglée à l'échelle des régions mais ne sais pas si un consensus est atteignable et si toutes les régions y répondront de la même manière. Cela dépend beaucoup de l'organisation régionale et locale des soins.
Je tiens enfin à préciser que si l'Ile-de-France a peut-être fermé des lits en psychiatrie générale, elle a ouvert des lits en pédopsychiatrie. Les 9 lits ouverts dans le centre pour adolescent dont je m'occupe sont une création de novo qui n'est pas issue d'une reconversion. Si les services de pédopsychiatrie publique sont longtemps restés sur une position considérant que l'hospitalisation n'était pas nécessaire, ce n'est aujourd'hui plus le cas, notamment du fait d'une certaine pression sociale. Il nous faut répondre à l'angoisse de l'école, des familles, des services de la protection de l'enfance parmi d'autres.
Docteur Catherine Lacour-Gonay. - Je suis convaincue que l'hospitalisation peut être nécessaire. Les familles ne sont néanmoins pas toujours prêtes ou en condition pour supporter les enjeux liés aux hospitalisations. Un petit temps de préparation est souvent nécessaire. Les entretiens de préadmissions permettent ce temps car on se trompe parfois en voulant aller trop vite. Des équipes mobiles existent également. La SFPEADA compte Vincent Garcin à Armentières qui possède une équipe solide d'intervention à domicile. Le GHEF possède également une équipe mobile. Se pose toujours la question des moyens. Le fait de ne compter, pour tout le nord de la Seine-et-Marne, que sur quatre personnes qui sont parfois appelées à faire plus de 200 kilomètres en voiture pour intervenir peut être problématique. C'est notamment le cas si elles sont appelées à intervenir à différents endroits du département.
Sur la base des propos du docteur Teboul sur l'articulation entre pédiatrie et pédopsychiatrie, êtes-vous favorable à la GHT ou la GHT psy ?
Docteur Roger Teboul. - Je pense qu'il ne faut pas de GHT. En Seine-Saint-Denis, mon établissement de Ville-Évrard, qui a le plus gros budget des établissements spécialisés en santé mentale, a réussi à obtenir une dérogation et on propose d'organiser un projet autour d'une communauté de psychiatres du territoire. On essaie également d'organiser en priorité des liens avec le secteur médicosocial. C'est un partenaire beaucoup plus naturel à la psychiatrie que les services de soin somatiques. Même mes collègues psychiatres de l'adulte comprennent la nécessité de s'articuler avec ce secteur sur les questions de la réhabilitation et la réinsertion des malades mentaux. Cela me parait fondamental.
Docteur Catherine Lacour-Gonay. - S'il doit y avoir GHT, nous souhaitons une sanctuarisation des budgets de pédopsychiatrie !
On aurait bien aimé qu'avant de parler de GHT, il eut été question de projets au service desquels les GHT aurait été éventuellement un outil de gestion. Mais c'est effectivement un débat politique.
La réunion est close à 16 h 40.