Intervention de Loïc Blondiaux

Mission d'information Démocratie représentative, participative et paritaire — Réunion du 1er février 2017 à 17h30
Audition conjointe de Mm. Loïc Blondiaux professeur de science politique à l'université paris i panthéon-sorbonne et rémi lefebvre professeur de science politique à l'université lille ii

Loïc Blondiaux, professeur de science politique à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne :

Il en existe plusieurs effectivement, à Grenoble ou à Metz également. Cet outil se fonde sur la contribution et l'apport des citoyens, sur leur assentiment et le vote.

À l'échelle internationale, plusieurs procédures existent, par exemple en Islande mais aussi en Estonie où le droit de pétition en matière législative fonctionne. J'ai été garant pour le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) d'un atelier citoyen commandé par un ministère afin de définir sa politique sur le big data en santé : l'idée était de ne pas écouter que les experts mais aussi des citoyens éclairés.

S'ajoutent les dispositifs traditionnels de la démocratie participative qui sont à sauvegarder, comme la Commission nationale du débat public (CNDP) ou autres procédures de dialogue environnemental.

Parmi les limites et obstacles, j'en pointerai trois.

Le principal obstacle réside dans notre culture politique de la participation : les élites techniciennes et politiques n'ont pas été formées à la participation. Il leur a été inculqué qu'elles détenaient la vérité par leur système de sélection propre. Elles perçoivent la participation citoyenne comme une menace, par peur des risques de débordement et de contestation, ou comme une perte de temps car ils pensent avoir les solutions. L'arrière-plan culturel des citoyens et la manière dont ils sont formés - ou plutôt déformés - à l'école, faute de confiance en eux, de formation à la prise de parole et à la coopération, ne les incitent pas à jouer leur rôle, contrairement à des pays scandinaves où la responsabilité citoyenne est acquise plus tôt.

Le deuxième problème concerne tous les dispositifs, y compris les outils numériques, et porte sur le problème de représentativité sociologique et politique. Aucun dispositif ne peut prétendre à une représentativité supérieure à celle des élus, alors même que cette dernière peut elle-même être critiquée. En effet, à l'échelle locale, un maire élu par 10 à 15 % de la population en âge de voter pose question. Il en est de même du Président de la République, au regard de l'abstention et de son score au premier tour quand il rassemble 10 % des personnes en âge de voter.

Il existe un problème de représentativité des élus et des dispositifs de démocratie citoyenne, lesquels ne parviennent pas souvent à faire mieux que la traditionnelle démocratie représentative. Il est impératif de ne pas oublier ceux qui spontanément ne participent pas, notamment sur internet dont l'usage n'est pas totalement développé, ce qui empêche une partie de la population de s'exprimer sur les plateformes créées à leur intention. L'élection et les corps intermédiaires restent donc des acteurs centraux.

La troisième difficulté tient à l'échelle. La plupart de ces dispositifs n'est pas formatée à la bonne échelle : ils sont micro-locaux ou ils s'adressent aux seuls riverains alors que les décisions à prendre concernent des collectivités plus vastes. Il faut reformater à chaque fois l'échelle de la participation en fonction du public concerné par la décision. Il existe un problème de conception à l'échelle nationale ou mondiale, faute d'une représentation démocratique à ces niveaux.

En conclusion, ces problèmes sont majeurs et forts face à la diffusion de ces instruments de la démocratie participative. Pourtant, avons-nous le choix ? Ces dispositifs peuvent être la « dernière cartouche » pour les représentants traditionnels qui sont contestés de toute part, y compris lors de l'élection. Ils n'ont pas intérêt à la brûler.

Mon premier conseil : n'avoir recours à ces dispositifs qu'avec la volonté politique d'associer les citoyens et non de les utiliser pour un objectif de communication, au risque de créer plus de frustration que de confiance. Il faut avoir la volonté de rendre des comptes et de se justifier auprès des citoyens des suites données à leurs contributions.

Deuxième préconisation : il faut être attentif aux détails avec un minimum de moyens. La démocratie est coûteuse et demande du professionnalisme avec des dispositifs robustes. Par exemple, pour une assemblée, consulter les citoyens sans avoir les moyens humains d'analyser le matériau qu'elle reçoit manque l'objectif car la parole des citoyens tombe dans un « triangle des Bermudes ».

Je conclus en laissant le soin à Rémi Lefebvre de compléter. Nous n'avons plus d'autre choix que de réfléchir et innover : minuit moins le quart est passé !

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