Intervention de Philippe Léglise-Costa

Mission d'information Accord UE-Turquie sur la crise des réfugiés — Réunion du 18 mai 2016 à 14h30
Audition de M. Philippe Léglise-costa secrétaire général des affaires européennes

Philippe Léglise-Costa, secrétaire général des affaires européennes :

La position française sur les visas est claire. Les 72 critères doivent être tous satisfaits : ils ont été dûment pesés et sont nécessaires pour libéraliser les visas de court séjour. Les garanties sont nécessaires pour assurer que l'exemption de visa ne crée aucun risque, par exemple sur la sécurité des documents ou l'organisation des administrations compétentes en Turquie. En théorie, on pouvait craindre que d'autres membres de l'Union européenne ne soient tentés d'être indulgents pour favoriser l'application de l'accord sur le terrain. L'Allemagne a toutefois la même appréciation que nous et exige également le respect de ces critères. Ils ont d'ailleurs fait l'objet d'un engagement de la Turquie elle-même.

La Commission européenne reconnait que certains critères ne sont pas encore remplis, ce que ne contestent pas les autorités turques, qui paraissent néanmoins contester le critère 65 relatif à la législation turque sur le terrorisme. Il ne s'agit bien sûr pas de limiter l'efficacité de la lutte contre le terrorisme, mais d'assurer le respect, par la Turquie et l'Union européenne, des droits fondamentaux reconnus par le Conseil de l'Europe, dont la Turquie est membre. Si ce critère n'est pas respecté, il n'y aura pas d'accord sur l'exemption de visas et nous devrons en tirer les conséquences. Avec l'Allemagne, nous avons demandé un dispositif horizontal de sauvegarde, bien plus puissant que le précédent, qui permettra à l'Union européenne de suspendre l'exemption de visas en cas de difficulté. La négociation au Conseil et au Parlement européen est en cours. La Commission a explicitement prévu dans sa proposition législative de libéralisation que si la Turquie cesse de remplir ses engagements de novembre et de mars, cette suspension sera justifiée. La Turquie a donné des garanties pour la protection des personnes revenant de Grèce. Les personnes ayant acquis un statut de réfugié en Turquie puis partis en Grèce auront accès à cette protection. Les autres seront soumis à une procédure individuelle respectant les standards internationaux. Nous veillerons au maintien de ces garanties, avec l'Union européenne, le HCR et les autres organisations sur le terrain.

Nous avons mis du temps à trouver un accord efficace avec la Turquie. Nous partons du principe que ce grand pays continuera à respecter ses engagements. La France reste bien sûr vigilante et continuera par ailleurs à apporter son soutien à la Grèce.

Parlons plutôt de placement en rétention que de détention. Selon la France, l'Allemagne et l'Union européenne, si les hotspots doivent être utiles, ils doivent avoir une certaine capacité de rétention et ne pas être seulement un lieu d'identification et d'enregistrement, immédiatement quitté sans attendre la vérification du statut. Cela ne permettrait pas de vérifier le statut dans de bonnes conditions, ni de procéder à la relocalisation en cas de demande d'asile. C'est la situation qui avait prévalu au départ : d'un côté, nous demandions à la Grèce et à l'Italie, pour pouvoir procéder à des relocalisations, qu'elles mettent en place un cadre de rétention, bien sûr dans des conditions de dignité pour les personnes ; de leur côté, ces pays hésitaient à mettre en place ces hotspots complets tant que les garanties de relocalisation ou de retour n'étaient pas assurées. Nous avons engagé un processus qui fonctionne désormais de manière régulière. La rétention n'est pas une entorse aux règles de droit ; il est possible de retenir une personne jusqu'à la vérification de son statut.

Toutes les critiques formulées après la signature de l'accord avec la Turquie devaient être entendues. Comme la Commission, nous avons dialogué avec les organisations sur le terrain et le HCR pour lever les incompréhensions et pouvoir appliquer l'accord dans des conditions de légalité. Le HCR a ainsi repris sa coopération.

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