Intervention de Ayça Saritekin

Mission d'information Accord UE-Turquie sur la crise des réfugiés — Réunion du 8 juin 2016 à 14h32
Audition de Mme Ayça Saritekin conseillère à l'ambassade de turquie en france

Ayça Saritekin, Conseillère à l'Ambassade de Turquie :

Je vous remercie de vos questions. Je répondrai tout d'abord à celle concernant la législation turque concernant les étrangers et leur protection internationale. Cette loi est entrée en vigueur en 2014 et avait reçu l'aval du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR). Mais cette première loi ne concernait que les individus et il nous a fallu gérer l'arrivée « en masse » de migrants. Nous avons dû promulguer une réglementation spécifique destinée à ces masses de personnes arrivant en Turquie. D'ailleurs, avant que ne survienne cette crise migratoire envers l'Europe, personne ne questionnait la politique migratoire conduite par Ankara ni ne remettait en cause la qualité des infrastructures destinées à l'accueil des réfugiés. Après le commencement de la crise, la Turquie a essuyé des accusations sans fondement de la part des organisations non gouvernementales et des groupes d'intérêt. Certes, nous avons des restrictions géographiques à l'application de la convention de Genève, mais nous disposons de notre propre législation qui fournit assez de protections aux réfugiés en Turquie. Cette législation nationale s'avère totalement conforme aux critères internationaux. Aucune lacune juridique n'est par conséquent à déplorer s'agissant de la protection que nous accordons aux Syriens. En outre, la Convention de Genève prévoit également le partage du fardeau et des responsabilités, mais cet aspect est toujours passé sous silence. On nous oppose souvent ces restrictions géographiques, mais depuis longtemps la Turquie a dépassé ce seuil grâce à sa législation nationale. Les polémiques qui entourent ces restrictions géographiques sont purement « politiques ».

Depuis cinq ans, la Turquie a assumé totalement ses responsabilités envers les Syriens. Elle a ainsi dépensé pour eux plus de 10 milliards de dollars, la crise syrienne a un impact de près de 30 milliards de dollars pour l'ensemble de l'économie turque. Nous accueillons tout de même trois millions de réfugiés ! De ce fait, la Turquie agit toujours pour répondre à la fois d'un point de vue juridique et politique aux besoins des Syriens. Nous avons ainsi accordé le droit de travailler en janvier dernier, ce qui permet d'intégrer ces personnes dans notre économie. De fait, notre pays a une vision à long terme de l'intégration de ces populations. Ainsi, les enfants d'origine syrienne en âge d'être scolarisés peuvent bénéficier, l'après-midi, d'une parité de cours avec des enseignants eux-aussi d'origine syrienne. Cet aménagement du temps scolaire souligne notre préoccupation d'éviter que ces enfants ne deviennent pas une « génération perdue ».

Contrairement aux allégations qui ont pu être faites ici ou là, la Turquie ne contraint nullement les Syriens à retourner en Syrie. Tous les retours volontaires s'effectuent sous l'égide du HCR. En outre, par exemple si le conflit à Alep s'intensifie, ce qui induirait un nouvel exode de réfugiés, il faudrait sans doute revoir les dispositifs actuellement mis en oeuvre. Pour que cette crise connaisse un terme, il faut une solution politique en Syrie. Mais c'est un autre sujet qui mérite une discussion séparée. Le risque demeure quant à une arrivée en masse de réfugiés à nos frontières.

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