Intervention de Ayça Saritekin

Mission d'information Accord UE-Turquie sur la crise des réfugiés — Réunion du 8 juin 2016 à 14h32
Audition de Mme Ayça Saritekin conseillère à l'ambassade de turquie en france

Ayça Saritekin, Conseillère à l'Ambassade de Turquie :

Je vous remercie de toutes vos questions. S'agissant tout d'abord de la libéralisation des visas, la Turquie, pour remplir les 72 critères énoncés par la feuille de route de libéralisation des visas, a fourni un travail énorme de ratification et d'élaboration. Nous pensions avoir rempli tous ces critères, mais la Commission européenne a considéré que cinq critères demeuraient ignorés. L'un d'eux concerne la définition du terrorisme en Turquie. Je ne suis pas certaine qu'existe un critère unique de définition du terrorisme parmi les différents pays de l'Union européenne. Certes, chaque pays dispose de ses propres outils pour lutter contre le terrorisme. Attendre de la Turquie qu'elle change sa législation, alors qu'elle combat en même temps Daesh, le PKK et le DHKPC, est injuste. Demander à la Turquie, qui lutte contre le terrorisme depuis une quarantaine d'années, de satisfaire à un tel critère est incompréhensible ! Notre combat continue, comme vous le savez, et nous avons perdu hier onze personnes à Istanbul et aujourd'hui un camion vient encore d'exploser, et le premier bilan, dont je viens d'avoir connaissance, fait état d'un mort et d'un blessé. Dans un tel contexte, la Turquie n'est pas en mesure de changer les outils qui sont les siens pour lutter contre le terrorisme. Nous sommes néanmoins ouverts aux négociations techniques. D'ailleurs, la Turquie et l'Union européenne continuent de discuter le contenu de ces cinq critères. En France, vous n'avez connu qu'une seule attaque certes de grande ampleur, alors qu'en Turquie, celles-ci sont plus fréquentes. La France a pourtant déclaré l'état d'urgence et modifié sa législation pénale en ce sens. Chaque pays prend les mesures qui lui sont propres en matière de lutte contre le terrorisme. Soyez juste envers la Turquie sur ce point.

Il ne faut pas sous-estimer l'effet psychologique de l'accord dont je parlais sur les migrants irréguliers et les passeurs. Ses résultats sont d'ailleurs très concrets. Si la Turquie lève sa réserve concernant la Convention de Genève, quelle en sera la conséquence ? Que va apporter un tel renoncement à la totalité des efforts déjà consacrés par la Turquie à cette question ? La question n'est pas ici celle des demandes d'asile individuelles, susceptibles d'être traitées en mobilisant au cas par cas des bases juridiques, mais d'une arrivée « en masse ». Comment est-il possible alors de procéder au cas par cas ? Enlever notre « veto » sur cette restriction géographique est un acte juridique, mais dont l'effet sur la situation actuelle nous paraît contestable. En Grèce, quelques tribunaux déclarent que la Turquie n'est pas un pays sûr et hésitent ainsi à y renvoyer les migrants. C'est le problème de la Grèce et non celui de la Turquie qui est suffisamment « sûre » depuis cinq ans pour trois millions de réfugiés ! Avant la crise, personne ne remettait en cause l'approche géographique de la Turquie. Ce grief a été formulé par les ONG et au lieu d'insister sur cette clause géographique, mieux vaudrait augmenter les capacités des autorités grecques, afin d'assurer le bon fonctionnement de l'accord. C'est là une question primordiale. Notre législation nationale a d'ailleurs reçu l'aval du HCR, l'autorité internationale la plus compétente en matière d'asile et l'accueil de réfugiés.

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