Intervention de Jean-Dominique Giuliani

Mission d'information Accord UE-Turquie sur la crise des réfugiés — Réunion du 8 juin 2016 à 14h32
Audition de M. Jean-Dominique Giuliani président de la fondation robert schuman

Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman :

On a un peu tout mélangé, y compris dans le traité de Lisbonne, qui était un traité communautaire, dans lequel toutes les dispositions relatives à la défense sont intergouvernementales. Cela ne fonctionne pas. On a fait des battle groups de 1 500 personnes dont on ne s'est jamais servi.

Mme Mogherini va s'acharner à essayer de faire fonctionner ce dispositif avec l'aide de notre brillant compatriote Michel Barnier. Personnellement, je ne lui accorde aucune chance de succès. Il n'y a pas consensus, il existe trop de différences. Là encore, on touche au coeur de la souveraineté, d'autant qu'on est frappé par le terrorisme et que la France est en guerre, avec 20 000 militaires à l'étranger. Je pense qu'il faut faire preuve d'un immense pragmatisme, à la manière de Schuman et de Monet, comme je me suis permis de l'écrire, sans nier la réalité : la France et le Royaume-Uni sont à peu près les deux seuls pays à avoir une armée qui fonctionne. Il faut que l'on fasse en sorte que, lorsqu'ils agissent, ils le fassent de manière moins unilatérale, et qu'en contrepartie, ils aient un soutien effectif de leurs partenaires pour créer une solidarité de fait.

Je verrais bien, à long terme, l'Allemagne se réengager sur le terrain. La ministre allemande a annoncé une augmentation du budget de la défense et des effectifs pour la première fois depuis la Seconde guerre mondiale.

Le travail concret sur le terrain est le seul moyen de démontrer qu'il y a de l'« utilité » à cette solidarité pour rendre ensuite les choses possibles. Si vous interrogez nos militaires, ils vous diront qu'ils ont l'habitude de travailler avec leurs collègues européens, mais en tenant compte des inégalités de formation, etc. J'ai participé à la mission « Jeanne d'Arc » destinée à former les jeunes officiers, en essayant de débattre de l'Europe avec eux. Il y avait là beaucoup de ressortissants allemands, britanniques, etc. Ils ont l'habitude de travailler ensemble. Ce qu'il faut, c'est ne pas se payer de mots et essayer de résoudre les problèmes.

J'entends mes amis pro-européens dire qu'il faut un « FBI européen » : commençons donc par travailler ensemble !

C'est pourquoi je parle d'intégration par l'exemple : donnons nous-mêmes l'exemple en intégrant la plus-value européenne pour répondre aux défis que nos dirigeants ont à résoudre, qui sont considérables, j'en suis conscient. À nous, ensuite, de le rendre public ou non, d'en faire une leçon ou non, d'ouvrir la porte aux autres. C'est ainsi que Schengen est né, à cinq. C'était tellement formidable qu'on l'a agrandi sans regarder les obligations que cela impliquait. Même la Norvège et la Suisse sont aujourd'hui dans Schengen.

Nous nous sommes laissé emporter par notre enthousiasme et notre confort en matière de défense, par notre richesse aussi. Nous en subissons maintenons les revers. La pression migratoire sera de plus à plus forte : à l'heure du téléphone portable, quand Mme Merkel se fait photographier sur Twitter avec un réfugié irakien, des masses se mettent aussitôt en route.

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