Intervention de Dorothée Schmid

Mission d'information Accord UE-Turquie sur la crise des réfugiés — Réunion du 21 septembre 2016 à 14h35
Audition de Mme Dorothée Schmid directrice du programme « turquie contemporaine » à l'ifri

Dorothée Schmid, directrice du programme « Turquie contemporaine » à l'Institut français des relations internationales :

Dans le dossier des réfugiés, le Gouvernement turc n'a pas de stratégie, il a juste laissé faire. Il s'agissait au départ d'un accueil bienveillant. Lorsqu'on discute du cas des Syriens, les autorités turques mettent surtout en avant la gestion remarquable des camps, mais qui ne concernent qu'une minorité des réfugiés. Il semble en revanche qu'elles aient peu de prise sur les autres, ceux qui sont dans les villes et qui se déplacent sur le territoire, malgré les tentatives de les fixer. Depuis le début de l'année, on commence à parler de la nécessité d'une politique d'intégration, il y a comme une volonté de trouver une issue par le haut à cette question. L'idée de leur octroyer la nationalité turque fait partie de cette tactique. Mais elle a été plutôt mal reçue par l'opinion publique. En tous cas, la prise de conscience des enjeux de ce dossier est tardive.

En ce qui concerne leur intégration économique, très peu de permis de travail ont été délivrés jusqu'ici (quelques milliers). Leur délivrance implique des contraintes fortes pour les entreprises turques. Elles sont donc réticentes, car il est plus intéressant pour elles de ne pas légaliser les travailleurs syriens. L'apport de la main d'oeuvre syrienne à l'économie turque dans le secteur informel est très important (le secteur textile compte par exemple deux tiers d'emplois clandestins, incluant une part importante d'enfants réfugiés).

La normalisation du dossier des réfugiés implique de la part de la Turquie qu'elle gère sa frontière avec la Syrie. C'est aussi pour s'assurer le contrôle d'une zone où elle pourra maintenir voire renvoyer des réfugiés syriens qu'elle est intervenue dans ce pays.

Jusqu'à présent, la population a fait preuve d'une grande tolérance à l'égard des réfugiés, mais à terme, il n'est pas certain que cette question ne finisse pas par lasser l'électorat de Tayyip Erdogan.

Concernant les Kurdes, la situation est catastrophique. On glisse très facilement de l'accusation de terrorisme à la neutralisation de toute voix dissidente. Le durcissement est très net depuis 2015, après ces élections législatives du mois de juin où le parti pro-kurde avait obtenu 13 % des voix. L'antagonisme turco-kurde devient très dur et produit un racisme réciproque. Le risque est que les Kurdes non politisés dérivent. La marginalisation du HDP, de plus en plus présenté par le régime comme une vitrine légale du PKK, me semble aller en ce sens.

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