Intervention de Didier Billion

Mission d'information Accord UE-Turquie sur la crise des réfugiés — Réunion du 21 septembre 2016 à 14h35
Audition M. Didier Billion directeur adjoint de l'institut de relations internationales et stratégiques

Didier Billion, directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques :

Je ne crois pas que l'on puisse poser la question du droit des femmes en ces termes...

Pour ce qui concerne la situation des partis d'opposition, concentrons-nous sur le parti kémaliste. En effet, le parti d'extrême droite, le Parti d'action nationaliste, traverse une crise très profonde ; je pense qu'il subira une scission et, en tout cas, il est en perte de vitesse. Quant au Parti démocratique des peuples, il est en difficulté puisque le souhait de lever l'immunité parlementaire est dirigé contre lui.

À ce sujet, la France et l'Union européenne doivent être très fermes, c'est une question de principe. Il s'agit d'un parti parlementaire, qui a des élus. Même s'il entretient des liens avec le PKK, on ne peut pas considérer ses membres comme terroristes. On a connu en Europe des situations comparables - en Irlande du Nord ou dans le Pays basque espagnol - et ce parti, quoi qu'on en pense, fait partie de la solution. Si la procédure judiciaire va à son terme et si une partie des députés concernés perd effectivement son immunité, ce sera une catastrophe, l'État de droit n'existera plus.

Revenons au parti kémaliste. Celui-ci est piégé. Avait-il une autre solution ? J'en doute, car qui peut critiquer l'exécutif de prendre des dispositions au lendemain d'un coup d'État ? Pourtant, la première manifestation, qui a eu lieu un dimanche, deux semaines après le coup d'État, a été organisée de manière très subtile, me semble-t-il, par le parti républicain. Il s'agissait d'une manifestation à la fois contre le coup d'État et en défense des droits civils.

Ensuite, il y a eu cette manifestation colossale du 7 août dernier, organisée par l'AKP. Deux dirigeants kémalistes ont été invités et sont intervenus. Pouvaient-ils faire autrement ? Je ne le sais pas, mais le piège est maintenant refermé. En acceptant cela sans critique, ils y participent. Il y a eu un débat à ce sujet au sein du parti républicain, qui s'est finalement aligné sur Tayyip Erdogan. D'ailleurs, j'ai vu début août pendant deux heures et demie trois parlementaires turcs de passage à Paris - un membre du parti républicain et deux membres de l'AKP - et le député républicain était plus virulent, contre les auteurs du coup d'État, que les deux autres.

La marge de manoeuvre des membres du parti républicain est donc très faible, alors que leur devoir doit être, en s'inscrivant dans la logique de la répression contre le putsch, de défendre l'État de droit.

Il y a une autre difficulté pour le parti républicain : il est devenu le parti des alévis, qui ne représentent que 15 % de la population mais 80 % de sa direction. L'AKP en profite, car lui défend le sunnisme, la tradition. La marge de manoeuvre est ainsi très réduite, le parti kémaliste s'étant mis en porte-à-faux vis-à-vis de la société. Pourtant, il faut trouver des voix pour lutter contre cette tendance.

Sur la question des droits des femmes, que voulait dire la députée que vous avez entendue ? Considère-t-elle que, s'ils étaient encore réduits, cela entraînerait une guerre civile ? Il me semble que c'est exagéré.

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