Intervention de Antoine Sfeir

Mission d'information organisation, place et financement de l'Islam en France — Réunion du 3 février 2016 à 15h10
Audition de M. Antoine Sfeir directeur de la rédaction de la revue les cahiers de l'orient spécialiste de l'islam et du monde musulman

Antoine Sfeir, directeur de la rédaction des Cahiers de l'Orient :

D'abord, reconstruire la citoyenneté, en commençant par l'école où l'on découvre l'altérité, le respect de l'autre tel qu'en lui-même, qui n'est pas la tolérance. La tolérance, c'est supporter quelqu'un, c'est se mettre une marche au-dessus de l'autre. Comment respecter quelqu'un sans le reconnaître, comment reconnaître sans connaître ? Saint-Exupéry disait que la différence enrichit. Qui a lu le Coran, qui peut le mettre en perspective et enseigner l'histoire de l'Islam à ses enfants ? J'ai écrit une Brève histoire de l'islam pour les institutrices à qui le Gouvernement a demandé d'enseigner cette histoire sans les former.

Ensuite, il faut intégrer les musulmans dans la population au lieu de les ghettoïser. J'ai vu l'une de mes étudiantes sortir un voile de son sac en arrivant à Saint-Denis : une bande se trouvait là ; en passant devant eux, m'a-t-elle dit, je me ferais insulter si je ne portais pas de voile. C'est très grave ! Beaucoup d'enfants ne vont pas à l'école parce que les parents ont démissionné. Il faut reprendre dès le début, appliquer la loi républicaine. Nous ne sommes plus dans la situation de 1905, où l'Église était omnipotente. La laïcité doit être englobante là où les religions sont en train de délier les liens sociaux.

Inutile de se lancer dans des acrobaties intellectuelles : la définition de la laïcité est simple. C'est le droit de croire ou de ne pas croire et la reconnaissance de l'agnosticisme et de l'athéisme. La foi est une démarche de l'intime, alors que la religion est l'organisation temporelle d'une communauté qui implique un pouvoir. Il n'y a pas de juifs et de musulmans de France, mais des citoyens français dont la confession ne regarde qu'eux-mêmes. Dans mon pays d'origine, lorsque j'ai voulu inscrire ma fille, le préposé m'a demandé ma confession. Comme je me récriais, il m'a expliqué que c'était la loi. Nous nous sommes battus vingt-sept ans pour obtenir le retrait de la mention de la confession de la carte d'identité. Combien de coups de boutoir la laïcité a-t-elle reçus !

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