Intervention de Larabi Becheri

Mission d'information organisation, place et financement de l'Islam en France — Réunion du 27 avril 2016 à 16h35
Audition de M. Larabi Becheri directeur-adjoint de l'institut européen des sciences humaines de château-chinon

Larabi Becheri, directeur-adjoint de l'Institut européen des sciences humaines de Château-Chinon :

Certes, il y a des mosquées marocaines, algériennes et turques mais je récuse l'idée qu'il y ait des cloisonnements entre elles : il n'y a aucune différence entre une mosquée marocaine et une mosquée algérienne et parfois un imam marocain dirige une mosquée algérienne et inversement. Pour nous, le seul pays auquel nous sommes attachés est la France. Si tous les imams français étaient formés à l'étranger, l'Islam de France serait tué dans l'oeuf. Quand un étudiant me dit qu'il a obtenu une bourse pour étudier en Arabie Saoudite, je lui demande où il veut exercer par la suite. S'il veut rester en France, je lui dis qu'il doit étudier dans notre pays. Nous formons des élèves qui prêchent indistinctement dans toutes les mosquées. Notre Institut est ouvert à tous les jeunes de France et d'Europe. En tant que professeur, je choisi mes exemples dans mon contexte, ce qui facilite la formation des étudiants. Nos élèves sortent de notre formation de théologie avec l'esprit ouvert. Notre programme ne se limite pas à une seule interprétation. Nous avons choisi comme modèle Averroès, grand philosophe du droit comparé. Les divergences sont dues au contexte. Le grand imam Al-Chafii, qui vécut en Irak et en Égypte, fonda deux écoles, chacune avec sa propre interprétation du Coran. Grâce à ces exemples, nos étudiants prennent conscience de la nécessité de la contextualisation.

Je ne peux me prononcer sur le statut de nos étudiants mais nous espérons que notre Institut d'enseignement supérieur sera reconnu par l'éducation nationale. Notre dossier est à l'académie de Dijon et j'espère qu'il sera accepté. Je souhaite la reconnaissance de tous les instituts qui, en France, forment les imams : je pense à l'Institut de la grande mosquée de Paris, à l'IESH de Paris et aussi à ceux qui vont se créer. Tous ces instituts devront se rapprocher pour parvenir à un programme commun. Nous avons accueilli avec joie le diplôme universitaire (DU) sur la laïcité qui nous décharge des matières que nous devions enseigner alors qu'il ne s'agissait pas de notre spécialité.

Le nom de notre Institut prêterait à la confusion ? L'idée, au départ, était de créer un institut de sciences humaines pour inscrire les études religieuses dans des études universitaires reconnues. Pour l'instant, nous sommes une association loi 1901 mais peut-être un jour serons-nous reconnus comme un institut à part entière. L'idée européenne nous semblait essentielle et nous voulions accueillir les étudiants de toute l'Europe.

Notre lecture est finaliste, par opposition à la lecture littéraliste qui estime que le décret divin ne s'explique pas. Le « pourquoi » n'a pas sa place dans cette lecture, mais elle est très minoritaire et il n'y a pas aujourd'hui d'école littéraliste reconnue. En revanche, de grand savants littéralistes sont reconnus, comme l'Andalou Ibn Habîb. À l'opposé, nous prônons la lecture finaliste, mais les motivations peuvent varier, d'où des divergences d'interprétation.

En 20 ans, nous avons formé environ 500 étudiants qui pouvaient devenir imams, mais ils ne le sont pas tous devenus. Certains sont aujourd'hui chercheurs, enseignants, prédicateurs, aumôniers ou imams.

L'arabe est la langue des textes, mais aussi la langue commune de nos étudiants qui viennent de toute l'Europe. À l'heure actuelle, onze nationalités différentes sont représentées. Une première promotion est sortie l'an passé d'un cursus dispensé en français sur une plateforme Internet.

Je n'ai pas bien saisi la question sur les imams ouvriers. Nous avons des imams médecins, ingénieurs, pourquoi pas ouvriers ?

Notre budget de fonctionnement est équilibré. En revanche, pour ce qui est de l'investissement, nous sommes obligés d'avoir recours aux dons. Seuls 10 % des dons que nous avons reçus ont été versés par des oeuvres caritatives d'État, le reste est donné par des personnes physiques qui peuvent être étrangères, notamment des pays du Golfe. La seule condition que nous posons est que ces dons restent désintéressés : nous voulons garder notre totale liberté. Nous avons refusé toute incitation à privilégier tel ou tel auteur ou matière. Seul notre conseil scientifique décide de nos programmes. Nous refusons tous les dons conditionnés. Ce fut notamment le cas lorsque nous avons créé l'Institut : l'Iran voulait imposer ses conditions : nous avons dit non.

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