Intervention de Claude Malhuret

Mission d'information Accord UE-Turquie sur la crise des réfugiés — Réunion du 11 mai 2016 à 15h00
Audition de M. Pierre-Antoine Molina directeur général des étrangers en france au ministère de l'intérieur

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Merci de ces précisions éclairantes sur cet accord parfois troublant. Chacun comprend qu'il faut discuter avec la Turquie mais cet accord comporte des précisions qui risquent de le rendre inapplicable, ce qui posera un problème politique. Sur les visas, la Commission européenne a fixé 72 critères. Beaucoup ne sont pas respectés, même si la Commission a déclaré qu'il n'en manquait que cinq. Pis, la Turquie s'est parfois contentée, pour s'y conformer, d'adopter des textes qui ne seront pas appliqués.

Le non-respect des droits fondamentaux s'aggrave chaque jour : deux journalistes viennent d'être condamnés à cinq ans de prison, les équipes de Zaman ont été remplacées par des journalistes affidés au régime, d'autres médias ont été supprimés, la magistrature est au pas et Reporters sans frontières classe la Turquie au 151ème rang en matière de liberté de la presse, entre le Tadjikistan et le Congo ! Les universitaires ayant signé une pétition contre la répression au Kurdistan sont révoqués, et 2 000 citoyens turcs ont été inculpés d'outrage au président depuis l'élection de M. Erdogan à la présidence de la République turque. Il serait donc provocateur d'affirmer que le critère de respect des droits fondamentaux est respecté.

Le président Erdogan a expliqué qu'il ne modifierait pas la loi antiterroriste. On peut le comprendre, étant donné la situation au Kurdistan, mais cela nous pose un problème. Quant à la lutte contre la corruption, vu le niveau auquel se situent les principaux problèmes de corruption en Turquie, il est peu probable qu'elle progresse d'ici le prochain Conseil européen. La France exigera le respect effectif des critères, demandera un quatrième rapport... Mais dans le troisième rapport, la Commission s'est discréditée en ne mentionnant pas le respect des droits fondamentaux !

Bref, nous nous sommes engagés dans un processus sans issue, ce qui ne manquera pas d'entraîner des problèmes majeurs entre pays européens - déjà, le premier accord a été pratiquement imposé par Mme Merkel - et entre l'Union européenne et la Turquie. Voyez-vous, à votre niveau, une solution à ce problème inextricable ?

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