Le premier point de l'accord du 18 mars 2016 prévoit que le renvoi en Turquie des migrants en situation irrégulière se fera en totale conformité avec le droit de l'Union européenne et le droit international, ce qui exclut toute forme d'expulsion collective. Le principe de non-refoulement sera respecté. Toute demande d'asile sera traitée individuellement par les autorités grecques, en coopération avec le HCR. Reste à rendre effectives ces garanties. La Commission européenne a écrit le 16 mars dernier que les législations grecque et turque présentaient des insuffisances. Une loi a donc été adoptée par la Grèce, qui met en place des comités d'appel et reconnaît la Turquie comme pays tiers sûr. En effet, la directive « Procédures » prévoit qu'une demande d'asile peut être rejetée comme irrecevable si le pays de renvoi peut être considéré comme premier pays d'asile ou comme pays tiers sûr - notions définies par les articles 35 et 38 de cette directive.
Il fallait aussi que la Turquie prenne certaines mesures. Saluons au passage son effort d'accueil et de protection des 2,7 millions de Syriens qui sont sur son territoire, dont 300 000 environ sont hébergés dans des camps. Le statut de protection temporaire qui leur est accordé leur offre l'accès à certains droits sociaux. Le 12 avril dernier, la Turquie a renforcé ces garanties, notamment en abrogeant une disposition faisant perdre le bénéfice du statut de protection temporaire aux personnes qui quittaient son territoire : comment pourraient-elles y être réadmises sinon ? Les 6 et 24 avril 2016, elle a donné des précisions par échange de lettres en faveur des ressortissants d'autres pays que la Syrie, notamment les Afghans et les Irakiens.
Cela dit, le caractère de pays tiers sûr de la Turquie ne peut être déclaré qu'au cas par cas, en fonction de chaque situation individuelle. Des entretiens approfondis sont donc nécessaires. En moyenne, la moitié des dossiers est aujourd'hui considérée comme recevables. Pour les autres, le recours est suspensif si la décision est fondée sur la notion de pays tiers sûr.
Il n'y a aucune substitution entre la réinstallation et nos programmes de visa pour asile ou nos engagements à l'égard du HCR pour le Liban et la Jordanie. En revanche, sur les 30 500 personnes que nous devions relocaliser, certaines seront réinstallées. En effet, la Hongrie n'a pas souhaité bénéficier du programme de relocalisation. Par conséquent, 54 000 places n'étaient plus attribuées, dont 10 000 pour la France. C'est pourquoi il a été décidé que le nombre de Syriens réinstallés depuis la Turquie pourra être déduit de ce volant de relocalisés non utilisé. Pour l'heure, il y a eu 135 arrivées effectives dans l'ensemble de l'Union européenne.
La réinstallation se fait de plusieurs manières. La France ne prend que des dossiers du HCR, qui font l'objet d'un double examen sur place : l'Ofpra statue sur le besoin de protection et la DGSI effectue des vérifications de sécurité. Un visa est ensuite délivré et la personne entre sur le territoire sans avoir à demander l'asile. Plusieurs organismes l'aident à trouver un logement et l'accompagnent socialement. La mobilisation du logement fait l'objet d'une mission, conduite par un préfet.
Un jugement de la CEDH de 2011 constatait que le règlement Dublin ne pouvait être mis en oeuvre en Grèce faute de garanties sur son système de l'asile. Nous étions dans une situation anormale en Grèce avec un nombre élevé d'arrivées irrégulières pour une demande d'asile quasiment inexistante. Cette situation traduisait une déficience du système grec très importante, d'où la nécessité d'efforts rapides pour y remédier.
La France est attachée à ce que les critères de la feuille de route soient durablement respectés et plaide donc pour un contrôle régulier de leur application. Chaque processus en cours de libéralisation des visas doit être examiné indépendamment des autres.
Sur les droits fondamentaux, la Commission estime que plusieurs critères ne sont pas respectés, notamment le critère n° 65 ou celui relatif à la lutte contre la corruption. La libéralisation des visas ne bénéficiera qu'aux personnes munies d'un passeport biométrique. Or la distribution de ces passeports n'a pas débuté... La Commission européenne demande qu'ils soient lisibles par les polices des États-membres. Vu le retard pris par la Turquie, une solution transitoire pourrait être adoptée jusqu'en octobre 2016.
Environ 70 % des personnes interpellées dans les Alpes-Maritimes sont réadmises. Si ce taux était atteint entre la Grèce et la Turquie, ce serait un net progrès !
Sur les 3 milliards d'euros évoqués, la contribution de la France devrait être de l'ordre de 300 millions d'euros. Oui, 3 milliards d'euros supplémentaires ont été envisagés, mais cela ne figure pas dans l'accord du 18 mars dernier.