Votre collègue de l'Intérieur m'a donné une réponse très partielle sur la libéralisation des visas qui, il est vrai, intéresse davantage le Quai d'Orsay. C'est un sujet politique épineux et certains pays - sans compter les opinions publiques d'autres États plus ouverts sur la question - sont très réservés. L'accord doit par conséquent être inattaquable au plan technique et juridique. Or ce n'est pas le cas.
D'après la Commission européenne, cinq des 72 critères ne sont pas satisfaits - à mon avis, le chiffre est plus élevé, mais passons. Sur la loi antiterroriste, vous avez répondu. Le deuxième critère, la lutte contre la corruption, recouvre une situation qui ne sera certainement pas réglée avant longtemps. Enfin, les droits fondamentaux, qui font partie du bloc 4 de la feuille de route, n'ont pas été évoqués par la Commission ; or personne ne peut prétendre qu'ils sont respectés, ils le sont même de moins en moins. Des journalistes ont été condamnés à des peines de cinq ans de prison ; ceux du quotidien d'opposition Zaman ont été licenciés ; une agence de presse a été fermée ; deux mille procédures pour outrage au Président ont été engagées.
La Commission n'a pas inclus les droits fondamentaux dans la liste des critères non respectés. C'est indéfendable ! M. Molina n'a évoqué que les critères de la protection des données personnelles. On fait également valoir les mécanismes de sauvegarde qui, en cas de non-respect des critères, permettent une suspension temporaire du régime de libéralisation. Reste qu'on s'assoit sur les principes !
Les protocoles additionnels nos 4 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, relatifs à la libre circulation et à la protection des étrangers, n'ont pas été ratifiés par la Turquie. C'est un problème majeur, qui au demeurant ne disparaîtra pas avec la ratification.
Côté turc comme côté européen, la question du plan B reste posée. Nous resterons vigilants sur ce point.