Intervention de Jean-Pierre Chaulet

Mission d'information Démocratie représentative, participative et paritaire — Réunion du 22 février 2017 à 15h00
Audition de Mme Brigitte Chalopin présidente de la compagnie nationale des commissaires enquêteurs cnce et M. Jean-Pierre Chaulet vice-président de la cnce président de la compagne des commissaires enquêteurs d'île-de-france

Jean-Pierre Chaulet, vice-président de la CNCE, président de la Compagnie des commissaires enquêteurs d'Île-de-France :

Au titre de mes fonctions, j'ai été amené à m'occuper de très importantes enquêtes. J'en évoquerai trois : le canal Seine-Nord Europe, l'autoroute ferroviaire Atlantique et la ligne 18 du Grand Paris Express, pour laquelle a été prévue une participation du public par voie électronique. J'ai d'ailleurs mené trois des sept enquêtes organisées autour du Grand Paris Express et j'ai donc pu réaliser des comparaisons entre les modes de participation utilisés.

S'agissant du canal Seine-Nord Europe, l'enquête avait été précédée d'une large concertation. Or, bien que celle-ci se soit produite en 2005 et 2006, soit quelques années après les attentats du World Trade Center, rien n'avait été prévu pour ce qui concerne la vulnérabilité du canal, qui devait pourtant franchir la Somme grâce à un pont-canal en béton d'une longueur de 1 200 mètres. Si, par hypothèse, quelqu'un avait fait sauter ce pont-canal, l'eau se serait déversée dans la vallée de la Somme. Les biefs, c'est-à-dire les écluses les plus proches, se situant à 30 kilomètres en amont et à 5 kilomètres en aval, tous les villages des environs auraient été submergés, risquant ainsi de conduire à de nombreuses victimes. Nous avons donc émis une réserve et préconisé, en nous inspirant du canal de Madgebourg, en Allemagne, la création de portes de garde, c'est-à-dire d'immenses portes métalliques qui, par dépression et surpression, se seraient fermées en cas de destruction du pont. Le maître d'ouvrage, en l'occurrence Voies navigables de France, nous a indiqué que de telles portes coûteraient 250 millions d'euros, alors que la construction totale du canal, alors évaluée à 4,3 milliards d'euros, n'était elle-même pas financée ; l'ouvrage n'est d'ailleurs pas encore construit, même si l'Europe vient de s'engager à contribuer au chantier. Il m'avait alors été indiqué que cette réserve ne pourrait être levée.

Je me suis alors interrogé sur le sens de la réserve. Revient-il à la commission d'enquête de dire quel moyen technique mettre en place ? N'est-il pas préférable d'indiquer l'effet devant être produit ? Voies navigables de France a finalement mis en place deux commissions, chargées respectivement d'évaluer la vulnérabilité du canal et de proposer des solutions pratiques. La première commission a remarqué que le pont-canal se trouvait en dehors des couloirs aériens, ce qui écartait le risque de chute d'un avion de ligne. Par ailleurs, pour détruire le pont-canal, il aurait fallu installer une tonne d'explosif près de l'un des piliers, alors que toute la structure se situait dans une zone marécageuse, difficile d'accès. La première commission a donc conclu que le risque était très faible, tandis que la seconde préconisait la création d'un poste de contrôle spécialement dédié au pont-canal et la mise en place de caméras fonctionnant 24 heures sur 24.

J'en viens au cas de l'autoroute ferroviaire Atlantique. Celle-ci devait s'étendre sur 1 050 kilomètres, du nord de la France jusqu'au Pays Basque. L'enquête, prévue dans le « Grenelle II » de l'environnement, a fait l'objet d'un soin particulier, notamment de la part du ministère. Elle a mis en exergue un grave problème : cette autoroute ferroviaire devait traverser toute la région parisienne, déjà très fréquentée par des convois de voyageurs. Il aurait fallu procéder à des insonorisations considérables. Nous avons formulé une réserve importante : créer une voie dédiée au transport par ferroutage et contournant la région parisienne. Mme Ségolène Royal a entendu nos préoccupations, et cette autoroute ferroviaire n'a pas été construite.

Enfin, s'agissant de la ligne 18 du Grand Paris Express, il était prévu une participation du public par voie électronique. Pour la ligne 15 Ouest, moins sensible, nous avions reçu environ 600 observations et courriers. Sur la ligne 18, nous en avons reçu 4 695, dont 4 092 par courriels, accompagnés d'environ 11 000 pages de pièces jointes.

Avant d'être désigné comme président de cette commission d'enquête, j'avais assisté à certains des débats publics menés par la Commission nationale du débat public. Par exemple, à Versailles, pour réaliser la gare du Grand Paris Express, il fallait détruire une église protestante, ce qui suscitait une certaine émotion.

Surtout, un grave problème se posait au niveau de la liaison entre Saclay et Guyancourt : la ligne y était non pas enterrée, mais aérienne, ce qui suscitait une très forte opposition. Quand l'enquête publique a eu lieu, le dossier n'avait pas évolué. Aucune intégration paysagère n'était prévue et enterrer la ligne aurait coûté 700 millions d'euros de plus. Nous avons formulé des réserves sur l'insonorisation et l'intégration paysagère qui, selon moi, auraient déjà dû figurer dans le dossier. Aujourd'hui, le décret n'a pas encore été publié, mais la Société du Grand Paris s'est engagée à prendre en compte ces réserves, ce qu'elle aurait dû faire dès avant l'enquête publique.

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