Je ne fais pas d'angélisme, car nous sommes en effet face à un problème, mais je m'interroge sur les raisons pour lesquelles on a laissé ce problème arriver. En Europe, la politique de l'asile et des migrations a été laissée pour compte, et l'on se retrouve aujourd'hui face au noeud. Je ne remets nullement en cause le travail admirable de l'Ofpra, du HCR, de Frontex sur place, ni la gravité de la situation à Lesbos. Mais je me demande comment il se fait que l'on n'ait pas fait, pour la Syrie, ce que l'on a fait, naguère, dans le Sud-Est asiatique, pour le Vietnam, le Laos et le Cambodge, où loin d'attendre que les gens arrivent chez nous par leurs propres moyens, à leurs risques et périls, on est allé les chercher, en nombre, et on leur a accordé le statut de réfugiés. Pour les Syriens, on n'a rien fait de tel. Et personne n'a rien dit, en vertu d'une sorte de préjugé à leur encontre. La première chose à faire, au lieu de laisser les gens tomber dans l'esclavage en Libye pour se procurer des passeports, aurait été de mener une opération politico-humanitaire, d'aller les chercher, et de les répartir en Europe. C'est la proposition Juncker, qui, toute modeste qu'elle fut, puisqu'il ne s'agissait que de répartir 120 000 personnes, a été rejetée. Résultat, on se retrouve avec 750 000 personnes en Grèce, Etat dont l'économie est déjà gravement menacée. Moyennant quoi, on passe un deal avec la Turquie, qui va coûter six milliards d'euros, qui prévoit d'assouplir la politique des visas pour ce pays, ce qui ne marchera jamais, et qui relance le processus d'adhésion. Cette question de l'adhésion a toujours divisé, certains s'y montrant radicalement hostiles, quand d'autres y voyaient une bonne idée - peut-être aurait-il fallu le faire lorsque c'était le moment : je rappelle que la Turquie est un des premiers pays membres du Conseil de l'Europe. On ne l'a pas fait, pour des raisons qui sont avant tout de politique interne. Et à présent, le problème est là.