Intervention de Bernadette Bourzai

Réunion du 6 décembre 2008 à 14h00
Loi de finances pour 2009 — Sport jeunesse et vie associative

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai :

Cette situation est vraiment regrettable et, selon moi, dangereuse. En effet, le mouvement associatif, qui remplit des missions d’intérêt général, promeut des activités socialement utiles et joue un rôle essentiel de cohésion sociale et d’intégration dans notre pays, risque d’être profondément déstabilisé si cette logique de restrictions est poursuivie.

Paradoxalement, nous pouvons lire dans le fascicule bleu budgétaire concernant la mission « Sport, jeunesse et vie associative » que les associations constituent « un relais efficace des politiques publiques qu’elles complètent ou enrichissent ». Encore faudrait-il que le budget suive !

D’ailleurs, les perspectives de dégradation de la situation économique et sociale et le climat de morosité actuel déjà prégnant devraient, au contraire, pousser le Gouvernement à soutenir ces initiatives qui créent du lien social, remplissent des missions de service public, et créent aussi des emplois directs et induits.

Les associations représentent, dans notre pays, un million d’emplois salariés ; ne l’oublions pas, au risque d’aggraver finalement la situation économique et sociale en voulant faire des économies.

Pour certaines associations, la diminution de la subvention de l’État pourra atteindre plus de 40 % en deux ans. Autant prononcer leur arrêt de mort directement, car cette précarité n’est pas soutenable !

Or, comme le rappelle notre rapporteur, « ces interventions de l’État sont nécessaires parce qu’elles permettent de boucler des budgets, mais aussi et surtout parce qu’elles offrent une reconnaissance aux bénéficiaires qui leur permet souvent d’obtenir d’autres soutiens. » Ces autres soutiens viennent en particulier des collectivités locales et territoriales, lesquelles, une nouvelle fois, seront sollicitées pour compenser les défaillances de l’État.

Quant aux actions en faveur de la jeunesse, les coupes sont encore plus claires.

L’opération « Envie d’agir », qui permet aux jeunes de réaliser des actions à caractère culturel, sportif, humanitaire ou civique, a perdu près de 66 % de son budget. Comment pouvez-vous accepter, monsieur le secrétaire d’État, que le gouvernement français abandonne ces actions et renonce à favoriser les initiatives de la jeunesse ?

Nous devons au contraire tout faire pour développer la participation des jeunes à la vie publique, promouvoir leur esprit d’initiative, d’entreprise et de créativité. C’est le devoir d’une société d’aider ses jeunes à agir et à s’engager. C’est pourquoi je soutiens pleinement l’amendement de mon collègue M. Michel Sergent concernant cette ligne budgétaire.

Quant à l’éducation populaire, « elle fait un travail remarquable pour les enfants, il faut la soutenir et lui donner les moyens de se développer », indiquait le Président de la République voilà à peine quelques mois. Je trouve donc assez curieux que le budget de cette action ne suive pas les injonctions présidentielles.

En effet, le budget du fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire, dit FONJEP, va être réduit, ce qui aura pour effet de supprimer de nombreux postes de personnels permanents remplissant des fonctions d’animation et de gestion dans des mouvements de jeunesse, des associations d’éducation populaire ou des organismes privés à but non lucratif concourant à l’action sociale.

Monsieur le secrétaire d’État, comment pensez-vous compenser les pertes financières et donc humaines des associations qui étaient bénéficiaires, et comment allez-vous remplacer ce dispositif pluriannuel et cofinancé qui constitue un véritable outil d’aide au développement de l’éducation populaire ?

Pour sa part, Mme Marie-Christine Blandin s’interroge sur un autre point : présenté en « action » pour 2009, en « objectif » en 2008, le programme « Jeunesse et vie associative » ne compte plus le soutien à l’économie sociale et solidaire. La permanence et la pertinence de celle-ci en temps de crise rend-elle le sujet trop gênant ?

Elle souhaite préciser que, dans la région Nord-Pas-de-Calais, entre 2002 et 2006, les établissements relevant de l’économie sociale ont pourtant augmenté de 19 %. Ce secteur crée des emplois, il apporte des réponses à la précarité et au désir d’insertion dans une activité qui a un sens.

Où se trouve aujourd’hui la politique nationale de soutien à l’expérimentation et à l’innovation sociale ? Où se trouve sa délégation interministérielle ? Que sont devenues les paroles du candidat Nicolas Sarkozy flattant le bénévolat et envisageant « une année de cotisations de retraite pour dix ans de bénévolat » ?

Vous pourriez nous répondre que l’effort gouvernemental en matière de politique de la jeunesse est interministériel ; nous en avons conscience.

Le programme « Jeunesse et vie associative » ne prend pas en compte l’ensemble des politiques publiques orientées vers la jeunesse, beaucoup d’entre elles étant pilotées par d’autres ministères – l’éducation nationale, l’agriculture, le logement, les affaires sociales. On pourrait donc espérer que les coupes budgétaires que connaît ce programme soient compensées par ailleurs. Malheureusement, il n’en est rien.

Même si nous ne disposons pas d’un document récapitulant de façon transversale l’ensemble des actions gouvernementales menées en faveur de la jeunesse et de la vie associative, nous pouvons hélas ! constater que la tendance à la réduction budgétaire des actions en faveur de la jeunesse et de la vie associative est la même dans les autres ministères.

Je vous en citerai deux exemples.

Plus de 1 500 postes d’enseignants mis à la disposition des associations parascolaires et d’éducation populaire vont être supprimés par le ministère de l’éducation nationale, mettant en grave difficulté les associations éducatives complémentaires de l’enseignement public, qui bénéficient depuis très longtemps de l’agrément de ce ministère et du soutien de l’État.

Or, les enseignants mis à la disposition de ces associations sont garants de la qualité éducative des projets, comme du respect des principes fondamentaux de l’école de la République. Leurs missions sont régulièrement évaluées et les évaluations confirment, le plus souvent, le bien-fondé de leur action, car leur rôle est essentiel. Ils permettent notamment de favoriser la liaison entre les établissements d’enseignement et les organismes associatifs à caractère éducatif.

Sont concernés les CEMEA, les Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active, les Éclaireuses éclaireurs de France, la FOEVEN, la Fédération des œuvres éducatives et de vacances de l’éducation nationale, la Jeunesse au plein air, les FRANCAS, la Fédération nationale laïque de structures et d’activités éducatives, sociales et culturelles, la FLASEN, la Ligue de l’enseignement, l’OCCE, l’Office central de la coopération à l’école, et la FGPEP, la Fédération générale des associations départementales des pupilles de l’enseignement public, l’USEP, l’Union sportive de l’enseignement du premier degré, au sein de la Fédération multisports affinitaire UFOLEP. J’espère n’avoir oublié personne !

Cette « rupture de contrat » entre l’éducation nationale et ses premiers partenaires n’est pas acceptable ; elle l’est encore moins dans une période où les questions de formation, d’éducation à la citoyenneté, de réussite éducative, de laïcité, d’intégration sociale devraient être au premier plan.

Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures entendez-vous prendre pour compenser ces postes d’enseignants et la charge salariale afférente à leur remplacement, puisque nous savons que les fonds nécessaires ne se trouvent pas dans la ligne budgétaire relative à la vie associative ? Comment les associations seront-elles capables de répondre aux appels d’offres du ministère de l’éducation nationale sans ces moyens humains et donc sans cette ingénierie mise à leur disposition ?

De plus, « cerise sur le gâteau », ces associations ont appris très récemment, alors que la plupart des engagements financiers sont déjà bouclés, que le ministère de l’éducation nationale ne tiendrait pas ses engagements. Dès cette année, elles vont subir une réduction de 25 % du financement des actions conventionnées pour 2008, ce qui menace évidemment leur équilibre budgétaire et leur existence même dans un bon nombre de cas.

Sachez par exemple que, dans mon département, la Corrèze, 700 associations salarient aujourd’hui près de 50 personnes et regroupent près de 43 500 adhérents, soit un habitant sur cinq. C’est dire que cela touche tout le monde !

Avec les diminutions annoncées par le ministère de l’éducation nationale, qui correspondent à une amputation moyenne à l’horizon de 2010 de 70 % des divers financements reçus, c’est la mort annoncée de près d’un siècle d’accompagnement de l’école publique.

J’ai également de grandes inquiétudes concernant l’avenir des associations œuvrant pour l’animation en milieu rural. La suppression initialement prévue de leur ligne budgétaire de 7, 5 millions d’euros dans le budget de l’agriculture et finalement compensée à hauteur de 700 000 euros va avoir de graves conséquences sur la vie en milieu rural et donc sur la cohésion territoriale.

Enfin, avec Mme Marie-Christine Blandin, je souhaite rappeler que, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, les personnels relevant des directions de la jeunesse, des sports et de la vie associative se posent légitiment des questions.

Ces personnels ont entendu parler de « partenariat rénové », de culture du résultat, de mise en concurrence et de code des marchés publics.

Mais comment peut-on assurer une mission éducative quand les relais naturels que sont les associations d’éducation populaire sont sabrés ? Comment travailler avec des effectifs revus à la baisse, des missions asséchées, vidées de leur contenu, et un avenir de guichet d’enregistrement des agréments ? Où est l’action d’accompagnement au projet, à la qualification et la stimulation, à l’accompagnement et à l’évaluation des acteurs ?

Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, les sénateurs socialistes et Verts ne voteront pas les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour 2009.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion