Intervention de Jean-Jacques Lozach

Réunion du 6 décembre 2008 à 14h00
Loi de finances pour 2009 — Sport jeunesse et vie associative

Photo de Jean-Jacques LozachJean-Jacques Lozach :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est, me semble-t-il, peu orthodoxe d’intervenir au nom d’un groupe politique sur un budget dont on a été le rapporteur pour avis. Aussi, je centrerai mon propos sur le programme « Sport », délaissant le volet relatif à la jeunesse et à la vie associative.

Le budget global de la mission s’établit à 996 millions d’euros, contre 1, 048 milliard d’euros en 2008, soit une baisse de 8 % en euros constants. Les chiffres sont imparables. Comme en 2007, nous sommes très éloignés des promesses électorales du Président de la République, qui annonçait 3 % du montant du budget de l’État pour cette mission, soit 8 milliards d’euros !

Monsieur le secrétaire d’État, le 5 septembre dernier, évoquant le sport français, vous avez déclaré ceci : « C’est le privé qui nous fera progresser. »

Sans doute importe-t-il de diversifier les sources de financement et d’abonder les fonds publics par le sponsoring et le mécénat. Mais ces instruments restent très aléatoires, comme la crise financière en général, et le retrait de Lagardère ou de GDF-Suez de l’athlétisme en particulier viennent de nous le rappeler douloureusement.

Derrière votre affirmation, se pose une question cruciale, celle du modèle français d’organisation du sport, dont les racines remontent au début de la Ve République. C’est essentiellement l’État, relayé par les collectivités locales, qui a créé les conditions du développement du sport de masse.

Aujourd’hui, nous entrons dans une nouvelle voie, dominée par le logiciel du libéralisme économique, sous couvert de contraintes budgétaires lourdes.

Le glissement vers le modèle anglo-saxon comporte de nombreux risques. Aussi, nous réaffirmons ici notre attachement au service public du sport. À nos yeux, la construction du sport du futur ne peut s’envisager comme adossée à un support exclusif ou hyper-dominant qui serait la sphère marchande. Nous croyons à la nécessité de l’impulsion publique dans le domaine des activités sportives, quelle que soit la manière de les appréhender, comme pratique éducative ou de loisir, comme discipline compétitive de haut niveau ou activité de masse, comme levier de la vie économique ou de l’aménagement du territoire.

Or la première action du programme « Sport », intitulée « Promotion du sport pour le plus grand nombre », voit ses crédits passer à 21, 8 millions d’euros pour 2009, soit une baisse de 5 % en euros constants par rapport à 2008, mais surtout une baisse de 63 % en euros constants depuis 2006 !

Le recentrage des crédits extrabudgétaires du CNDS sur le développement du sport pour tous sur le plan territorial, minorant ainsi le rôle des crédits de l’État stricto sensu, confirme un choix politique privilégiant le « sport-spectacle », tout comme la montée en puissance de la rémunération du droit à l’image collective, qui ne concerne que quelques sportifs aux rémunérations exorbitantes.

Comme prévu, le PNDS arrive à son terme. Rien n’empêchait le Gouvernement de le poursuivre, tant les besoins existent sur les territoires, comme le soulignent fort justement le Comité national olympique et sportif français et ses structures déconcentrées. À partir d’un pilotage régional, le CNDS va être recentré sur les têtes de réseaux, les ligues, les comités départementaux ou les clubs dits « structurants ».

Dans la contractualisation de l’État avec les comités ou ligues, il serait judicieux de laisser ouverte la possibilité de retenir des projets territoriaux portés par les clubs sportifs eux-mêmes, en harmonie, bien sûr, avec les priorités de leur fédération respective.

En effet, la structure de base qu’est le club conserve, en particulier sur les espaces ruraux, un niveau pertinent de réalisation.

Le plan de refondation et de modernisation de l’Institut national du sport et de l’éducation physique se poursuit, mais le retard pris dans le chantier va engendrer de nouvelles dépenses pour l’État. Je passe sous silence le regrettable incendie qui a détruit les piscines de l’Institut, dans la nuit du 10 au 11 novembre dernier.

Pour le développement du sport pour tous, vous misez beaucoup sur le rôle des structures privées délégataires de mission de service public, c’est-à-dire les fédérations sportives, et sur les conventions d’objectifs qu’elles ont passées avec l’État. Or ces fédérations présentent souvent de véritables fragilités structurelles, liées à l’absence de statut véritablement abouti de l’élu associatif et du bénévole. Nous aimerions que cette préoccupation soit considérée comme prioritaire, l’économie sociale et solidaire pouvant contribuer à atténuer fortement les difficultés sociales que traverse notre pays.

Je dirai maintenant un mot sur la gouvernance du sport. Le mouvement sportif a raison de nous rappeler parfois qu’il est le premier parti de France, avec ses 15 millions de licenciés et ses 175 000 associations, animées par près de 2 millions de bénévoles. Cependant, les collectivités territoriales – et nous sommes ici, au Sénat, leurs représentants –, avec leurs 8, 5 milliards d’euros d’investissements sportifs, ne sauraient rester écartées d’un simple face à face entre l’État et le CNOSF. Des définitions partagées de programmes d’équipements prioritaires, voire d’encadrement associatif, seraient ainsi favorisées.

À ce sujet, le rapport Morange pointe du doigt l’absence de représentation des collectivités territoriales au sein du Conseil national de la vie associative, le CNVA.

Le titre olympique obtenu par Alain Bernard en natation ne saurait nous faire oublier que de jeunes élèves ne disposent pas, aujourd’hui, de piscine à moins de 40 kilomètres de leur domicile ou de leur établissement scolaire. La démocratisation du sport passe non seulement par l’image positive véhiculée par des athlètes de haut niveau, mais également par un maillage territorial dense d’équipements et d’animations, permettant de faciliter l’accessibilité aux pratiques.

Cet objectif stratégique est absent du projet de budget pour 2009. J’exprimerai également une inquiétude quant au « suivi médical longitudinal » des sportifs de haut niveau et des espoirs : 4, 82 millions d’euros lui sont consacrés, soit le même montant qu’en 2007. Or, avec quelque 15 500 sportifs concernés, à raison d’une enveloppe moyenne de 500 euros par sportif, d’après l’estimation du ministère pour 2007, il faudrait en réalité une enveloppe de 7, 75 millions d’euros.

Par ailleurs, tous les Français attachés à une vision saine et morale du sport ne comprendraient pas que l’Agence Française de lutte contre le dopage voie ses moyens humains et matériels réduits, tant la lutte contre l’éradication de ce fléau nécessite une action déterminée et inscrite dans la durée. Ainsi serons-nous très vigilants sur ce point.

Pour terminer mon propos, je veux saluer comme une avancée majeure la déclaration commune adoptée à Biarritz le 28 novembre dernier par les vingt-sept ministres des sports de l’Union européenne. Elle comporte des enjeux majeurs pour l’avenir du sport, dont la spécificité est aujourd’hui reconnue dans le traité de Lisbonne.

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