Mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner le rapport de notre collègue Daniel Percheron. Vous en avez sans doute déjà pris connaissance. Son contenu donnera lieu, je le crois, à une discussion nourrie.
La constitution de la mission dans les dernières semaines de la session ordinaire 2015-2016, le 31 mai 2016 plus précisément, nous a conduits à réaliser nos travaux dans des délais très resserrés entre juin et septembre 2016. Malgré tout, nous avons pu réaliser quarante-trois auditions ou entretiens en formation plénière ou en formation « président-rapporteur », toutes ouvertes à la presse et au public, ou encore à l'occasion de déplacements. Ces travaux nous auront permis d'entendre quatre-vingt-dix-neuf personnes et d'entreprendre deux déplacements d'une délégation de quatre membres en Finlande puis aux Pays-Bas. Nous avons également reçu une quarantaine de contributions d'internautes par le biais du site participatif ouvert à cet effet sur les pages internet de la mission.
En trois mois, nous aurons eu la possibilité d'écouter un large panel d'intervenants : des promoteurs du revenu de base avec des philosophies parfois très différentes, voire inconciliables ; des personnalités comme MM. Lionel Stoleru et Martin Hirsch - nous n'avons malheureusement pas pu entendre Michel Rocard, pour les raisons que chacun connaît -, qui militent pour qu'un filet de sécurité réel soit mis en place dans notre société, afin d'empêcher nos concitoyens de tomber dans un complet dénuement, ou comme Louis Gallois et Philippe Vasseur ; des think tanks, comme Génération libre et l'IFRAP ; des économistes, avec les professeurs Daniel Cohen et Yannick L'Horty ; des représentants du patronat et des salariés ; des représentants des organisations et instances de lutte contre l'exclusion ; enfin, des représentants de différentes administrations, comme la direction générale du Trésor, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, la direction générale de la cohésion sociale et la direction de la législation fiscale.
En outre, les deux déplacements en Finlande et aux Pays-Bas nous ont permis de puiser les informations là où elles étaient, malgré le peu de temps dont nous disposions. Nous avons essayé de ne laisser aucun aspect du revenu de base dans l'ombre.
Dans ces pays, contrairement à ce qu'on laissait entendre, aucune expérimentation n'a été engagée à ce jour. Des projets techniquement avancés, notamment en Finlande, sont certes sur la table, mais aucun d'entre eux n'a reçu un début d'exécution. Par ailleurs, aucun de ces projets d'expérimentation ne prévoit de tester un réel revenu de base, c'est-à-dire un versement à caractère inconditionnel et universel.
Ce que nos travaux d'audition ont permis de faire apparaître avec clarté, c'est que la notion de revenu de base est utilisée bien souvent pour rassembler et caractériser des dispositifs qui ne présentent parfois aucun caractère inconditionnel et universel. C'est une notion tellement séduisante qu'elle est d'ailleurs souvent confondue, d'une façon parfois loin d'être involontaire, avec un « revenu social minimum garanti », ce qui n'est pas la même chose, puisque le versement d'un tel revenu dépend de conditions de ressources.
Du reste, même lorsqu'on parle effectivement d'un revenu inconditionnel et universel, la plasticité du concept est telle qu'il permet d'englober une multiplicité d'objectifs, parfois inconciliables entre eux, qui se traduisent par des modalités de mise en oeuvre très variables.
À cet égard, je crois pouvoir dire que l'étude que nous avons menée ensemble est pionnière, puisqu'elle est la première étude de cette ampleur conduite par une autorité constitutionnelle. C'est l'un des mérites de l'initiative du groupe socialiste et républicain, comme de l'initiative antérieure de notre collègue Jean Desessard, que de nous avoir conduits à nous intéresser à ce vaste sujet, qui soulève des questions de philosophie politique, de sociologie, d'économie et de finances publiques, que peu de thèmes permettent d'aborder en même temps.
Le rapporteur vous présentera sa démarche dans un instant. Avant de lui laisser la parole, je souhaite néanmoins préciser que nous avons eu, lui et moi, de nombreux échanges sur la façon la plus pertinente de rendre compte de la richesse des auditions et entretiens que nous avons menés et sur les conclusions qu'il y avait lieu d'en tirer. Nous nous sommes rejoints sans difficulté pour porter un regard pragmatique sur le revenu de base, loin des présupposés idéologiques et philosophiques qui biaisent souvent le débat. C'est la raison pour laquelle je peux d'ores et déjà vous dire que les développements du rapport et les recommandations qu'il propose recueillent ma pleine approbation.
La parole est désormais au rapporteur, après quoi, mes chers collègues, j'inviterai chacun d'entre vous à s'exprimer de manière générale sur nos travaux et sur la démarche retenue. Dans un dernier temps, nous passerons à l'examen des demandes de modification du rapport.