Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Mission d'information Revenu de base — Réunion du 13 octobre 2016 à 12h30
Examen du rapport

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Je salue moi aussi ce travail, qui est de très bonne qualité. Il fait apparaître tous les débats qui traversent la société française, en y apportant même une touche d'optimisme pour l'avenir.

Je voudrais insister sur un point très important : l'autonomie des personnes, qui ne peut se concevoir que dans le rapport entre sécurité et travail. Cela a été dit, les discontinuités des carrières professionnelles vont être de plus en plus importantes. Un dispositif tel que le revenu universel de base, offert à tous et sans condition, est en mesure de donner confiance aux personnes qui ont des carrières hachées et de les stimuler. C'est une façon de favoriser leur autonomie pour affronter la diversité des solutions qui s'offrent à eux, et c'est donc une sécurité.

La raison pour laquelle nous ne sommes pas sociaux-démocrates quand on est de gauche, en France, et qu'il n'y a pas à droite de libéraux au sens anglo-saxon, c'est que nous avons en commun la trame républicaine, pour laquelle l'être humain est avant tout un citoyen, qui a une utilité sociale.

C'est cela qui amène notre système à donner des droits à l'individu, qu'il soit salarié ou non. Et cela n'enlève rien, bien sûr, à la valeur travail comme élément d'identité et d'utilité sociales. Nous savons que ces deux questions ne sont pas liées, nous les femmes, qui étions reconnues pour notre travail avant que de l'être en tant que citoyennes.

En contrepartie de ses droits, le pacte républicain attend du citoyen qu'il s'engage dans la cité. C'était le sens du service militaire par exemple. Pour moi, ce revenu de base est une nouvelle étape dans l'histoire du pacte républicain, une étape particulièrement importante dans le contexte actuel.

Le rapport insiste peu sur l'effet redistributif qu'aurait une telle mesure. Il est très judicieux d'avoir ciblé les jeunes pour l'expérimentation : la discontinuité de leurs parcours, la diversité de leurs profils en font un public fragile, qui doit être aidé.

Je suggérerai seulement que l'expérimentation porte sur les jeunes de 15 à 28 ans ; 28 ans, c'est l'âge moyen de l'obtention d'un CDI, en France. C'est très important : les très pauvres ont déjà le RSA, et le revenu de base ne va pas changer grand-chose pour eux. Mais, pour les travailleurs précaires, disposer du revenu de base sera un élément de sécurité, qui leur permettra de faire des projets. Cela sera utile au jeune de 26 ans, en banlieue, qui veut lancer sa PME, par exemple, et qui ne se rémunérera pas la première année.

Il faut fédérer les catégories sociales, et le revenu de base jusqu'à 28 ans le permettra.

Je ferai quelques remarques sur le financement d'un revenu universel de base.

Il y a cette idée du « quantitative easing for the people », grâce auquel l'argent des banques centrales serait versé directement aux citoyens. La Banque centrale européenne a eu cette discussion. Elle serait prête à faire évoluer le quantitative easing dans sa forme actuelle, qui ne conduit les banques qu'à accumuler l'argent dans leurs caisses ou à acheter des bons du trésor allemand.

L'idée, c'est de le placer plutôt dans des investissements ciblés, ou de l'utiliser pour financer des politiques de pouvoir d'achat. Pourquoi, dès lors, ne pas demander au Gouvernement de négocier avec la BCE pour que cet argent finance, au moins dans un premier temps, l'expérimentation du revenu de base ? Je signale à ce titre que d'autres pays européens s'interrogent à ce sujet.

Le rapport mentionne également la piste d'un financement par l'impôt. Dans tous les cas, la mise en place d'un revenu universel de base devra nécessairement être adossée à une réforme fiscale importante.

Dernier point, qui me tient à coeur. Parmi les trois formes d'allocation dont le rapport préconise l'expérimentation, deux sont réellement ce que l'on appelle un revenu de base, car elles sont inconditionnelles.

Pour la troisième, qui est conditionnée au respect d'une obligation spécifique, je propose une autre appellation, celle de « revenu de base option revenu de participation ». Ça clarifierait le concept.

Le revenu de base dans sa forme pure, c'est-à-dire sans condition requise pour son versement, divise la société française. Les libéraux y voient le complément de salaire que le salaire marchand n'apporte plus. Les gens de gauche y voient un salaire garanti, que le salaire issu du travail peut compléter.

Un revenu de base option revenu de participation permettrait de dépasser cette division.

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