Intervention de Jean-Marie Denquin

Mission d'information Démocratie représentative, participative et paritaire — Réunion du 20 décembre 2016 à 13h50
Audition de M. Jean-Marie deNquin professeur émérite de droit public à l'université paris nanterre

Jean-Marie Denquin, professeur émérite de droit public à l'Université Paris Nanterre :

Professeur émérite de l'Université Paris Nanterre, j'ai notamment travaillé sur des questions qui recoupent vos centres d'intérêt. J'ai essentiellement essayé de discuter la notion de « crise de la représentation », qui est très souvent évoquée - c'est devenu une sorte de « tarte à la crème ». Cette notion me paraît ainsi discutable, du fait de l'ambiguïté tant du terme de « crise », que je pourrai développer si vous le souhaitez, que de celui de « représentation ».

À la suite d'une évolution historique, ce dernier terme de représentation en est venu à désigner des réalités très différentes, voire contradictoires.

Il faut se souvenir que la problématique de la représentation, au sens politique, apparaît en 1789, lorsque l'on décide que le roi n'est plus souverain et que l'on confie la souveraineté à la Nation. Celle-ci est une abstraction, ce qui présente un avantage : elle ne risque pas de devenir dictatoriale. L'inconvénient, c'est qu'elle ne peut pas prendre la parole par elle-même. Il faut donc que quelqu'un la représente. Il sera décidé que la Nation sera représentée par les députés à l'Assemblée nationale et par le roi, qui sont déclarés représentants. Le terme « représentants » signifie alors « qui veut pour la Nation », c'est-à-dire « qui fait la loi pour la Nation », « qui adopte des normes opposables aux citoyens », bien que ceux-ci n'aient pas la possibilité d'y souscrire explicitement.

À la suite d'une évolution historique, le terme de « représentation » change ensuite de sens : on en vient à considérer qu'il y a des représentés. Dans le système de 1791, il n'y avait pas de représentés : seule la Nation était représentée et, son opinion n'étant connue que par celle des représentants, il n'y avait pas de risque de contradiction. Au contraire, à partir du moment où l'on considère que les citoyens sont représentés, la possibilité d'une contradiction entre ces deux volontés (celle des représentants et celle des représentés) apparaît.

Il en résulte notamment que l'on entend parfois dire que les citoyens sont mal représentés.

Par conséquent, nous avons deux significations distinctes : la première - la représentation de la Nation - est historique, juridique et objective. La seconde - la représentation des citoyens - est récente, ou contemporaine, politique, ou psychologique, et subjective.

Toute la difficulté de la représentation aujourd'hui tient moins au changement objectif des choses ou des hommes qu'au fait que la représentation est devenue subjective. La question se pose de la combinaison entre ce que les citoyens veulent, ce qu'ils voudraient voir représenter par les représentants et ce que ceux-ci décident effectivement.

La représentation revêt enfin un troisième sens, qui touche plutôt à la représentativité. Je pourrai l'évoquer plus longuement tout à l'heure.

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