Intervention de Philippe Van Parijs

Mission d'information Revenu de base — Réunion du 23 juin 2016 à 13h30
Audition de M. Philippe Van parijs professeur à l'université catholique de louvain fondateur du basic income earth network

Philippe Van Parijs :

Le montant de l'allocation universelle, telle que je l'ai évoquée, n'est pas fixé de manière définitive. Cette allocation est-elle finançable ? C'est une question qui demeure sans réponse si l'on ne précise pas son montant. Je suis philosophe et j'ai beaucoup de mal à raisonner en milliards, surtout en circulant d'un pays à l'autre où tel ou tel montant peut s'avérer relatif. Je suis cependant capable de raisonner en termes de pourcentages du produit intérieur brut (PIB). Des différences énormes se font alors jour.

Cette allocation universelle existe aujourd'hui dans deux endroits dans le monde : en Alaska, depuis 1982, où un fonds a été constitué à partir de l'exploitation du pétrole, à l'initiative d'un gouverneur républicain qui a souhaité que les dividendes de cette dernière profitent aux générations ultérieures. Il permet ainsi aux Alaskais de devenir parties-prenantes dans l'exploitation de ce fonds qui distribue des dividendes annuels. Le second exemple, plus instable et récent, est Macao où, depuis 4 ans, les résidents permanents de Macao reçoivent un revenu annuel provenant des gains des casinos. Dans ces deux endroits, le PIB par tête est très élevés : en Alaska, c'est le plus élevé des États-Unis. Le dividende annuel distribué en Alaska et à Macao fluctue entre 2 et 3 % du PIB par tête, en fonction de l'évolution de la bourse.

À l'autre extrême, le référendum Suisse du 5 juin dernier, portait sur une proposition se déclinant en trois articles : premièrement, la Confédération introduit un revenu de base inconditionnel ; deuxièmement, ce revenu inconditionnel doit suffire à une vie digne et à une participation à la vie publique ; troisièmement, le pouvoir législatif en déterminera à la fois le montant et le mode de financement. Aucun montant n'était explicitement formulé, mais dans les commentaires des initiateurs de la proposition, il était évoqué un revenu strictement individuel mensuel de 2 500 francs suisses, soit d'environ 2 300 euros. Il eût ainsi représenté quelque 38 % du PIB de la Suisse. J'ai participé à plusieurs reprises aux débats en Suisse, notamment à Genève, à Zurich et dans les médias suisses. Il s'agissait d'un montant qu'il serait irresponsable d'introduire.

Manifestement, des différences très grandes existent donc quant aux niveaux évoqués. Pour des pays comme la France ou la Belgique, on peut songer, en régime de croisière, à un revenu de base strictement individuel qui représente 25 % du PIB par tête. Rien n'interdit d'y aller plus lentement comme on a pu le faire dans les deux autres modèles de protection sociale. En effet, les pensions de Bismarck étaient très faibles par rapport à celles servies par le régime français de retraite actuel. De la même manière, ce qui était distribué aux mendiants d'Ypres était très faible par rapport à ce qui est aujourd'hui distribué sous la forme du RSA en France. Il faut imaginer cet ordre de grandeur - entre 15 et 25 % du PIB par tête.

Pour autant, il ne s'agit pas de balayer les autres modèles de protection sociale. Toute proposition réaliste d'un revenu de base dans des pays comme les nôtres concerne ainsi un revenu socle qui viendrait se positionner en-dessous de l'ensemble de la distribution des revenus, y compris un certain nombre d'allocations conditionnelles qui resteront soumises aux mêmes conditions qu'antérieurement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion