Intervention de Etienne Pinte

Mission d'information Revenu de base — Réunion du 28 septembre 2016 à 16h50
Audition de M. étienne Pinte président du conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale cnle

Etienne Pinte, président du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale :

Ceci n'est pas grave : l'important est de revenir à la réalité, qui serait d'arriver au rapprochement de ces minima sociaux et, au bout d'un certain temps, à fusionner la totalité et créer ce fameux revenu de base.

Le problème que nous avons rencontré pour la fusion de la prime pour l'emploi et du RSA portait sur l'aspect financier. Un certain nombre d'entre vous, tout comme nous, ainsi que le Gouvernement, ont évalué le nombre de demandeurs à 50 % des bénéficiaires éventuels de la prime d'activité, les choses devant se faire à budget constant, soit 4 milliards d'euros si ma mémoire est bonne.

Or, on en est aujourd'hui au-delà des 4 milliards d'euros. Le Gouvernement nous avait rassurés en disant qu'il s'agissait de crédits évaluatifs et que, dans le cadre de décrets d'avance et d'un projet de loi rectificatif en fin d'année, on allait pouvoir abonder la ligne budgétaire de façon à pouvoir répondre aux besoins.

Cela me rappelle le financement de l'hébergement social et très social. Il s'agissait de crédits prévisionnels mais, en fin d'année, tout était régularisé de façon qu'il n'y ait pas de césure entre la réalité de l'hébergement et les aspects budgétaires. Ici, le terrain est bien balisé.

En ce qui concerne la troisième proposition, qui consiste à regrouper l'ensemble de ces minima sociaux, il est bien évident que pour que personne ne perde en route une partie de ce dont il bénéficie aujourd'hui, l'État devra vraisemblablement y être de sa poche.

Christophe Sirugue parle d'une base de 400 euros par mois pour tout le monde mais, compte tenu des chiffres du RSA socle - 524 euros par mois -, de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) - 800 euros par mois -, ou de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) - 800 euros par mois - il faut que le système évite à chacun de perdre quelque chose par rapport à aujourd'hui. Cela signifie qu'il faudra vraisemblablement, sur le plan budgétaire, compléter la dotation qui sera créée au moment du regroupement de tous ces minima.

Quel est l'objectif du revenu universel ? S'agit-il simplement de regrouper, comme le propose Christophe Sirugue, l'ensemble des minima sociaux ? Cela veut dire que l'on garde les trois parties assurantielles que sont l'assurance chômage, l'assurance maladie et les retraites. On n'a pas véritablement là un revenu universel, l'État devant y être de sa poche.

Autre hypothèse : accorder à tout le monde un revenu plus élevé que la base de 1 000 euros. Il faut être bien conscient que l'on risque progressivement d'être confronté à un problème de financement important.

Le regroupement peut servir à en financer une partie. Il faut ensuite savoir si c'est l'État qui compensera le système assurantiel ou si les bénéficiaires des minima sociaux seront amenés à s'assurer sur le plan privé, pour la maladie, le chômage et la retraite, en fonction du revenu de base qu'ils toucheront.

C'est pour cela que je ne vois pas le revenu universel, tel que certains l'entendent, arriver de sitôt chez nous dans cette configuration.

Je suis plus pragmatique : étape après étape, à la lumière des expériences que nous avons vécues, il faut que nous regroupions un certain nombre de minima sociaux pour arriver, à la fin du processus, à réunir la totalité des minima sociaux. Même si l'on conserve l'aspect assurantiel, si l'on veut lutter contre la pauvreté, il faudra augmenter l'aide de l'État en ce qui concerne le revenu de base.

Il est évident qu'une somme de 400 euros comme revenu de base, pour ceux qui ne travaillent pas en particulier, n'est pas raisonnable. 8 millions à 9,5 millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 1 000 euros par mois, et environ 3 millions sous le seuil de grande pauvreté, avec 600 euros par mois environ. Voyez la distance qui existe entre les différentes catégories de personnes vivant sous le seuil de pauvreté !

Notre priorité ne devrait-elle pas être d'abord et avant tout de faire progressivement remonter ceux qui sont sous le seuil de grande pauvreté, pour les rapprocher de ceux qui se trouvent à des niveaux de pauvreté moins élevés ?

Tout cela aura forcément d'une matière ou d'une autre un coût pour l'État, pour le budget et donc pour les contribuables. Il faut donc bien cadrer la manière dont on peut envisager ces réformes. Nous avons l'expérience de la prime d'activité. Celle-ci peut nous servir pour la suite des différentes étapes du regroupement des minima sociaux.

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