Intervention de Philippe Vasseur

Mission d'information Revenu de base — Réunion du 28 septembre 2016 à 16h50
Audition de M. Philippe Vasseur commissaire spécial pour la revitalisation industrielle de la région hauts-de-france

Philippe Vasseur, Commissaire spécial à la revitalisation et à la ré-industrialisation des Hauts-de-France :

Je vous remercie de m'avoir invité. A titre liminaire, je souhaite expliquer pourquoi l'instauration d'un revenu de base me paraît inéluctable, bien que la France ne soit pas encore mûre pour une démarche de cette nature.

Il faut en effet, sur cette question, distinguer le court terme de ce que j'appellerai le moins court terme, car il me semble impossible désormais de parler de long terme. Sur le court terme, un ensemble de dispositifs et d'aides existe déjà pour lutter contre la pauvreté et la précarité, mais son résultat d'ensemble ne me paraît pas d'une grande efficacité et ce, quel que soit le gouvernement qui en est à l'origine. Depuis le poste qui est le mien, j'observe que nous vivons actuellement une mutation si profonde et si accélérée qu'il nous est impossible de maintenir nos modèles existants. Les évolutions technologiques induisent en effet des changements de systèmes économiques et sociaux, comme l'émergence de nouvelles formes de travail impliquant une nouvelle réflexion sur l'emploi et les conséquences de son évolution sur la société. L'emploi éparpillé - sous la forme de télétravail, fût-ce à temps partiel, ou dans des tiers lieux - ou encore le travail à la carte ou à la tâche, via le réseau internet, illustrent ce point. J'ai d'ailleurs eu récemment recours à l'internet pour trouver un graphiste pour une mission de vingt-quatre heures. Si ce genre de travail est aujourd'hui encore balbutiant, il devrait connaître un développement massif.

Mon deuxième constat - et j'ai le sentiment de rappeler un fait connu de tous -porte sur le développement continu de la robotique et de l'intelligence artificielle dont on ne mesure pas totalement l'ampleur. La dernière couverture de l'hebdomadaire « Le Point » insiste, à cet égard, sur le fait que nous sommes gouvernés par des algorithmes. J'ai des exemples corroborant un tel constat, s'agissant notamment de la presse que je connais bien. En effet, les journalistes sont aujourd'hui confrontés à la concurrence des robots. Les commentaires des dernières élections régionales et départementales ont ainsi été rédigés par des robots dans le supplément dédié à cet événement du journal « Le Monde » ! Les chroniques boursières du magazine américain « Forbes » sont également rédigées par des robots. Au niveau bancaire, autre secteur que je connais, la robotique est en mesure de se substituer aux conseillers de placement.

Ce sont là deux exemples qui démontrent qu'aucun emploi n'est épargné par la robotique qui touche désormais les cols blancs après avoir concerné le secteur industriel. Certes, certains sceptiques doutent toujours de cette évolution, mais au cours de ma vie professionnelle, j'ai pu constater les évolutions marquantes depuis les vingt-cinq ans qui marquent l'entrée en service du réseau internet.

Nous allons vers une société qui va connaître des séismes. Selon certaines études, entre 40 et 50 % des emplois existants seront, dans un avenir n'excédant pas les dix prochaines années, occupés par des machines. Il y aura certes des emplois qui viendront se créer en compensation, mais le principe de Schumpeter de la destruction créatrice ne trouve plus à s'appliquer. Nous sommes aujourd'hui dans un système où les machines se réparent elles-mêmes, s'interconnectent sans que l'homme n'ait plus à intervenir. Ce n'est pas là de la science-fiction, mais notre quotidien. Il y aura toujours des emplois et les personnes les plus imaginatives conserveront leur place, mais certains métiers traditionnels vont disparaître, sans que les personnes qui les occupaient, en nombre, n'en trouvent d'autres. Ce que l'homme était amené à faire hier, les machines vont le faire demain à sa place.

C'est peut-être une chance, comme l'écrivait John Maynard Keynes dans ses perspectives économiques pour nos petits-enfants, en dépeignant une société d'abondance, dans laquelle l'homme n'aurait à travailler que quelques heures et disposerait alors du temps nécessaire pour se consacrer notamment à la vie citoyenne. Nous ne prenons pas vraiment le chemin d'une société aussi idyllique, mais la question d'autres types d'activités se pose. A cet égard, je fais intervenir le président directeur général de Roland Berger, M. Charles-Edouard Bouée, qui imagine l'évolution du Quaternaire qui vient s'ajouter à la trilogie des secteurs primaire, secondaire et tertiaire, pour désigner l'époque nouvelle dans laquelle nous entrons.

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