Intervention de Delphine Champetier

Mission d'information Revenu de base — Réunion du 22 septembre 2016 : 1ère réunion
Audition conjointe d'organismes gestionnaires de prestations sociales : — Mme delphine champetier directrice de cabinet du directeur général de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés cnamts ; - m. pascal émile directeur délégué de la caisse nationale d'assurance vieillesse cnav ; - m. bernard tapie directeur des statistiques des études et de la recherche et mme patricia chantin responsable des relations parlementaires et institutionnelles de la caisse nationale des allocations familiales cnaf ; - m. jérôme rivoisy directeur général adjoint en charge de la stratégie et des relations extérieures de pôle emploi.

Delphine Champetier, directrice de cabinet du directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés :

Dans un premier temps, j'énoncerai des considérations générales sur la couverture du risque maladie et le revenu de base ; dans un second temps, et plus précisément, je dirai les raisons pour lesquelles l'assurance maladie est particulièrement concernée par la mise en place d'un revenu de base selon les différents scénarios qui ont été évoqués ; dans un troisième temps, je ferai le parallèle avec les réflexions que nous menons du côté de l'assurance maladie en faveur d'une plus grande simplification, tant pour les assurés qu'en matière de gestion.

La question du revenu de base reste marginale par rapport à la couverture du risque maladie. Je crois comprendre que, en Finlande, le revenu de base n'inclut pas dans son champ d'expérimentation ce risque-là. Nous réfléchissons régulièrement à la manière de couvrir ce dernier. Cette réflexion porte sur la mise en place d'un bouclier sanitaire. Il nous est difficile de réfléchir a priori sur les niveaux de revenus susceptibles de couvrir le risque maladie ; ce risque, quand il survient, peut être tellement coûteux qu'aucun assuré ne serait en mesure d'en assumer la charge, même si un revenu lui était distribué chaque mois et quand bien même il aurait eu la prudence « d'épargner » des journées d'hospitalisation, les traitements des affections de longue durée étant, du fait de leur coût, hors de portée de la plupart des assurés.

Les quelques réflexions assimilables à celles que nous pourrions avoir sur la mise en place d'un revenu de base portent en réalité sur l'instauration d'un bouclier sanitaire : quel niveau de reste à charge juge-t-on acceptable de laisser à une personne ? Ces réflexions récurrentes, qui n'ont pas encore abouti, portent sur la question de savoir s'il doit subsister des forfaits de reste à charge universels ou si ce reste à charge doit être modulé en fonction des revenus des personnes.

Ce sujet a d'ailleurs été évoqué dans le dernier rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale.

La mise en place d'un revenu de base serait donc sans impact sur la couverture du risque maladie. En revanche, l'assurance maladie est gestionnaire d'un minimum social, à savoir l'allocation supplémentaire d'invalidité, citée dans le rapport Sirugue. Il s'agit d'un complément à la pension d'invalidité. On compte actuellement 80 000 bénéficiaires, chiffre plutôt en baisse. Ce minimum social est versé quand le montant de la pension d'invalidité est trop faible et avant que la personne concernée ne bénéficie de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, l'ASPA. Il s'élève à environ 400 euros par mois maximum, pour les personnes ayant perçu un revenu de 300 euros mensuels au cours des trois derniers mois. Ensuite, le montant versé diminue en fonction du niveau de revenu. Son coût pour le régime général était de 240 millions d'euros en 2015.

Le rapport Sirugue soulève la question - sur laquelle nous commençons à travailler - de l'homogénéisation et de l'harmonisation des critères de versement de cette allocation supplémentaire d'invalidité avec les critères de versement de l'allocation aux adultes handicapés. Dans les deux cas, il s'agit d'évaluer un niveau de handicap, et ce que met en lumière le rapport Sirugue, c'est que les pratiques ne sont pas les mêmes suivant les organismes gestionnaires. À vrai dire, elles ne sont sans doute pas non plus exactement les mêmes au sein du régime général s'agissant de l'attribution de l'allocation supplémentaire d'invalidité, même si nous travaillons à la mise en place d'un outil de simulation pour guider les médecins-conseils dans leurs décisions et mettre à leur disposition un socle de critères communs. Actuellement, ces travaux d'harmonisation consistent à recenser les pratiques pour voir dans quelle mesure on peut aller vers une homogénéisation des critères d'attribution, ce à quoi nous sommes favorables.

Le deuxième sujet sur lequel je voulais insister s'agissant de l'implication de l'assurance maladie dans la lutte contre la pauvreté - question importante dans l'objectif de mise en place d'un revenu de base - est effectivement la question de l'accompagnement. Au-delà du versement des prestations, l'assurance maladie, comme Pôle emploi, développe des programmes spécifiques pour les publics précaires, bien sûr pour des questions sanitaires, mais aussi avec un objectif de réinsertion professionnelle. Par exemple, nous avons mis en place des programmes de prévention de la désinsertion professionnelle destinés à repérer les personnes recevant des indemnités journalières depuis un certain temps en lien avec un certain type de pathologie. Nous pouvons avoir un contact direct avec ces personnes par l'intermédiaire d'un service médical ou de notre réseau d'assistantes sociales pour voir dans quelle mesure on peut les aider à retrouver le chemin de l'emploi.

Les questions d'accompagnement, au-delà du versement des prestations, sont donc un complément important dans la lutte contre la pauvreté.

J'en viens aux questions méthodologiques. Les différents scénarios exposés dans le rapport s'inscrivent dans une démarche progressive. Il me semble ainsi compliqué d'aller au scénario 3 sans avoir au préalable exploré les scénarios 1 et 2, c'est-à-dire travaillé en amont d'abord sur une simplification des réglementations, puis sur l'homogénéisation des procédures de gestion au sein des différents organismes. Parfois, même sur des processus assez similaires, on ne demande pas exactement les mêmes pièces justificatives, on ne considère pas les revenus sur des durées identiques, on n'a pas exactement la même définition de ce qu'est un foyer. Ce constat vaut pour toutes les prestations.

La fusion de l'ensemble des minima sociaux ne pourra se faire sans au préalable un « nettoyage » et une homogénéisation à la fois de la réglementation et des règles de gestion.

Cette réflexion sur la simplification et l'intelligibilité des droits des assurés - notamment les droits maladie -, sur la qualité de service, enjeu très important, sur l'homogénéité territoriale des droits aux prestations, sur l'efficacité de notre gestion en matière de versement de ces prestations a conduit à l'ouverture de toute une série de chantiers.

Nous sommes en particulier extrêmement attentifs aux contreparties de cette simplification. Pour nous, la simplification de la réglementation et l'homogénéisation des règles doivent aussi permettre à terme un contrôle plus efficace. Nous rencontrons des difficultés avec certaines prestations soumises à une réglementation assez complexe. Par exemple, une demande de CMU-C nécessite quatorze pièces justificatives, ce qui rend les procédures de contrôle très difficiles à mettre en place.

La marche vers un revenu de base et une homogénéisation des règles doit aussi permettre un renforcement et une simplification des contrôles qui sont menés parce qu'une réglementation complexe, ce sont aussi des droits compliqués à contrôler ; c'est donc source éventuellement d'inégalités et d'injustices.

L'assurance maladie prend également part aux réflexions menées, notamment par le ministère des affaires sociales, sur la mise en place de portails numériques permettant aux assurés d'accéder rapidement et simplement à l'ensemble de leurs droits sociaux, sans pour autant permettre l'ouverture automatique de droits, contrairement à ce que suggère le rapport Sirugue. Toujours est-il que l'assuré pourrait avoir accès à l'ensemble de ses prestations et de ses droits, quels que soient la branche et l'organisme de sécurité sociale concernés.

Nous menons également une réflexion avec le ministère des affaires sociales sur la simplification et l'harmonisation des conditions d'attribution de la CMU-C : comment réduire le nombre de pièces justificatives exigées ? Comment lier le versement de cette prestation à certaines autres prestations de manière automatique, ce que nous faisons déjà pour les bénéficiaires du minimum vieillesse dont l'accès à la complémentaire santé est automatiquement renouvelé ? Nous travaillons donc sur une simplification de l'accès pour les assurés et pour simplifier la gestion pour nous.

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