Merci, M. le Président, pour ces explications.
Merci également, mes chers collègues, de la confiance que vous m'accordez en me désignant rapporteur de cette mission initiée par le groupe UDI-UC.
Je ne reviendrai pas sur les propos du président concernant l'organisation de nos travaux. Il nous a proposé un créneau le jeudi en début d'après-midi, avant la séance, en particulier avant les questions d'actualité au Gouvernement. Le jeudi matin est occupé par les réunions de la commission des affaires européennes, mais aussi de l'ensemble des délégations, d'où l'idée de tenir les auditions plénières ouvertes à la presse et au public le jeudi entre treize heures trente et quinze heures. Les auditions du rapporteur, ouvertes à l'ensemble des collègues de la mission, pourront intervenir le mercredi en fin d'après-midi.
Le président vous l'a dit : le calendrier envisagé pour cette mission devrait nous laisser le temps de travailler sereinement. Nous pourrions achever nos travaux en mai. Si nous voulions adopter notre rapport avant cette date, comme l'ont semble-t-il envisagé les autres missions parallèles, nous arriverions dans le coeur de la campagne présidentielle : autrement dit, nous n'aurions aucune chance d'être audibles. Il nous semble qu'intervenir quelques jours après le second tour de l'élection présidentielle peut nous permettre d'être entendus.
Le sujet, dès lors qu'il touche la démocratie, est particulièrement ambitieux.
Je souhaite en quelques minutes, dans le droit fil de l'intervention de M. Henri Cabanel, vous présenter la démarche qui m'a conduit à proposer ce sujet, et guider notre réflexion autour de quelques axes.
Tout d'abord, mon objectif n'est pas de vous proposer un énième rapport sur la démocratie d'un point de vue conceptuel. Les philosophes, les sociologues, les professeurs de droit et de sciences politiques le font probablement mieux que nous, compte tenu du temps dont ils disposent et de celui qui nous est imparti.
Au contraire, comme l'indique la deuxième partie du titre de la mission retenu par mon groupe, il s'agit de s'interroger sur les conditions dans lesquelles, dans le cadre d'une démocratie renouvelée et moderne, des décisions pourraient être prises par les pouvoirs publics, avec légitimité et efficacité. Il ne s'agit donc pas de proposer une révolution ni de réfléchir aux fondements même de notre système démocratique.
Ainsi, mon questionnement s'articule autour d'interrogations simples - les réponses pouvant probablement être moins aisées - et pragmatiques.
Comment parvenir à conduire à leur terme des projets d'investissements publics ambitieux concernant les infrastructures et les aménagements sur nos territoires, ou encore d'importantes réformes, notamment sociales, dans notre pays ?
Vous avez tous en tête une foultitude d'infrastructures qui n'arrivent aujourd'hui pas à être mises en oeuvre. Nous nous souvenons tous des difficultés récentes du Gouvernement pour avancer dans la réforme portant sur le droit de travail. Il n'est pas exclu qu'une autre majorité, s'attelant à cette même question, puisse également connaître quelques soucis de méthodologie.
Ensuite, comment, dans un délai qui reste raisonnable et réaliste, permettre l'expression de chacun, selon un processus établi et à l'aide d'outils participatifs pertinents, tout en garantissant le respect de la représentation démocratique ?
Quelle procédure retenir pour que tous les avis soient entendus, sans que les points de vue minoritaires s'imposent in fine à l'avis majoritaire, en bloquant tout nouveau projet ?
Quelle est la place du contrôle du juge dans ce nouvel ordre démocratique, où les décisions de l'État ne sont probablement plus aussi discrétionnaires et unilatérales que par le passé ? Nous avons parfois le sentiment que le juge a pris le relais d'une absence de participation, alors que se développe aujourd'hui un important contrôle du citoyen lui-même. Ceci revient à dire que deux contrôles extrêmement puissants ont lieu en même temps, le contrôle du juge et celui du citoyen. Comment les équilibrer si l'on veut garder le double cap de la légitimité et de l'efficacité ?
Quelle serait la gouvernance la plus adaptée pour concilier l'ensemble de ces enjeux - développement de réformes et de projets ambitieux, maintien du principe de représentation comme socle de notre fonctionnement démocratique, expression directe des citoyens et contrôle de l'action de la puissance publique par le juge ?
Comment améliorer nos processus décisionnels et de mise en oeuvre, au niveau local comme national, où l'efficacité constituerait réellement un critère essentiel guidant nos choix ?
Comment éviter que la complexité ou la participation n'effacent la responsabilité de la décision ? Au risque de forcer le trait, plus personne n'est responsable de rien !
Cette réflexion ne peut éluder le développement de la communication numérique et des réseaux sociaux : il s'agit, à n'en pas douter, d'outils offrant un espace pour la participation directe des citoyens à la prise de décisions. Toutefois, il faut éviter qu'ils n'offrent un prisme déformant de la réalité, en accordant un écho démesuré à des opinions qui ne recueillent qu'un assentiment minoritaire face à une majorité dite « silencieuse ».
La question des réseaux sociaux rejoint celle de la définition de l'intérêt général. Dans une récente interview, Marcel Gauchet disait : « Croire que les individus en réseau vont se substituer au collectif, c'est une vue de l'esprit. »
Vous avez reconnu, mes chers collègues, à travers l'esquisse de quelques thèmes, la question posée : « Comment ? ». Vous avez tous, des idées en tête, peut-être des solutions pour la société française. Vous aurez l'occasion de les exprimer dans les semaines qui viennent.
Comment faire ? Cette question touche tous les partis et peut nous mobiliser en cette période pré-présidentielle, sans que l'un de nous ne soit gêné. Je crois sincèrement que cela peut constituer une force pour notre mission, puisque nous allons nous attaquer à une interrogation qui nous est commune.
Nos travaux nous permettront, je l'espère, de dégager ensemble des constats et, surtout, de formuler des propositions, que nous espérons concrètes et partagées entre nous.
Je vous proposerai, en liaison avec le président, un calendrier d'auditions qui devrait nous permettre d'aborder l'ensemble de ces sujets, à la fois en réunions plénières et dans le cadre des auditions de rapporteur.
Afin de nourrir nos travaux, nous allons également demander une étude sur quelques sujets précis à la division de la législation comparée, qui relève de la direction de l'initiative parlementaire et des délégations du Sénat.
Nous pourrons, en outre, envisager quelques déplacements, notamment en Europe, pour y découvrir des dispositifs originaux en termes de processus décisionnels - à supposer qu'ils existent.
C'est donc un travail riche et ambitieux qui nous attend, mes chers collègues, et je me réjouis par avance de notre activité au cours des quelques mois à venir.