Intervention de Marie-Rose Moro

Mission d'information situation psychiatrie mineurs en France — Réunion du 7 février 2017 à 15h10
Audition du collège national des universitaires de psychiatrie cnup représenté par le professeur pierre thomas président responsable médical du pôle psychiatrie médecine légale et médecine en milieu pénitentiaire du centre hospitalier régional universitaire de lille et Mme Marie Rose moro professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et du docteur bénédicte barbotin présidente de l'association française fédérative des étudiants en psychiatrie affep

Marie-Rose Moro, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent :

L'entrée universitaire est un point très important. J'ajouterai que le conseil de l'ordre des médecins a enregistré une baisse de 48 % des inscriptions de pédopsychiatres entre 2007 et 2016. C'est inédit et cela montre la gravité du problème. Il faut reconnaître davantage cette discipline à qui, paradoxalement, on demande de plus en plus. Les pédopsychiatres se spécialisent également : on distingue la périnatalité jusqu'à 3 ans, les enfants, dont les problématiques de langage et de troubles du développement sont importantes, et les adolescents pour lesquels on intègre la notion de développement, la question de la transition...

Des pays comme l'Australie et le Canada ont développé d'énormes travaux et des instituts pour articuler recherches, interventions et enseignements afin de former sur cette période de transition des jeunes adultes pour le soin mais aussi la prévention.

La France fait le chemin inverse avec une paupérisation, un interne sur 5 sans formation en pédopsychiatrie et des régions entières sans professeur. C'est un cercle vicieux : moins les professeurs sont présents, moins on risque d'en nommer. Ce qui pose la question de la représentation des différentes disciplines dans les universités.

Nos propositions sont d'abord d'ordre quantitatif.

Une des caractéristiques de la nomination des pédopsychiatres, c'est la nécessité, pour la compréhension du développement, d'un large spectre de compétences qui va des neurosciences aux sciences humaines. Le développement des enfants est aussi en rapport avec ce que la société en attend ; le contexte est très important. Les professeurs doivent maitriser les neurosciences et les liens avec les sciences humaines.

Dans notre rapport sur le bien-être et la santé des jeunes, nous avions proposé que 3 PUPH soient nommés par université pour les bébés, les enfants et les adolescents, ce qui exige une politique volontariste de nominations.

Sur le plan qualitatif, nous avons un professeur pour 63 internes. Dans d'autres disciplines, c'est beaucoup moins. Pour appréhender des choses aussi fines, aussi complexes que le développement, la transition, le langage, le comportement, le rapport à la nourriture, au savoir, il faut un nombre suffisant de professeurs, à l'image de ce que l'on trouve dans d'autres pays.

Dernier point, il faut une articulation forte entre les soins, la recherche et l'enseignement. Le besoin de recherches cliniques pour inventer des dispositifs de soins et les évaluer est une raison supplémentaire pour avoir plus d'universitaires.

Je dénonce régulièrement une forme de résignation, selon laquelle on ne pourrait rien faire. Pourquoi serait-ce impossible d'agir en France ?

Jusqu'à présent, la pédopsychiatrie n'était pas reconnue comme une discipline à part entière. La formation n'offre pas d'équivalence avec d'autres pays d'Europe, ce qui ne facilite pas la circulation, ni les échanges scientifiques. Avec la nouvelle réforme, dont on ne sait pas encore si elle sera mise en oeuvre à la prochaine rentrée universitaire, il y a une prise en compte de cette nécessité de circulation des pédopsychiatres. Nous avons beaucoup moins de stages qu'en Suisse ou en Allemagne. La question européenne doit entrer dans nos préoccupations.

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